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Jupiter – le Destin de l’Univers, critique

posté le 09/02/2015

Les Wachowski sont de retour et nous offrent cette fois un space opĂ©ra ambitieux et visuellement bluffant qui pĂŞche pourtant par son Ă©criture et ses personnages. Jupiter – le Destin de l’Univers (plus couramment appelĂ© Jupiter Ascending) est en tout cas une sensation Ă  dĂ©couvrir sur grand Ă©cran qui ne laissera pas indiffĂ©rent.

Après leur grande trilogie Matrix, les Wachowski s’Ă©taient plantĂ©s au box office avec leur tourbillon de couleurs de Speed Racer. Une dĂ©ception qui les a bien fait galĂ©rer pour accoucher de leur chef d’oeuvre financĂ© de manière indĂ©pendante, Cloud Atlas, qui n’a pas rencontrĂ© le succès attendu avec un distributeur frileux Ă  sortir ces ovnis cinĂ©matographiques. Qu’Ă  cela ne tienne, Warner Bros reste tout de mĂŞme l’un des rares studios Ă  financer ses poulains et Ă  prendre des risques. Et lorsque le frère et la sĹ“ur lui ont pitchĂ© leur nouvelle histoire, ils y  ont sans doute vu le potentiel d’une franchise en devenir (ce qui tombait Ă  pic vu que Harry Potter et le Hobbit prenaient fin, de mĂŞme que le fructueux partenariat avec Legendary Pictures) et d’un possible challenger Ă  Star Wars.

HĂ©las les rĂ©actions sur les premières images et le dĂ©calage de 6 mois de la sortie qui Ă©taient initialement prĂ©vue l’Ă©tĂ© dernier ont fait courir toutes les rumeurs sur la qualitĂ© du film. Mais si certains s’attendaient Ă  un gros navet au budget trop gourmand, Jupiter Ascending reste tout de mĂŞme un film-univers passionnant, mĂŞme si il souffre d’un manque d’Ă©quilibre certain. PassĂ©e cette genèse un peu difficile, passons donc maintenant au film en lui-mĂŞme.

Après une scène d’introduction intimiste de toute beautĂ©, les Wachowski dĂ©butent leur film sur deux fronts. D’un cĂ´tĂ©, nous faisons la connaissance de notre hĂ©roĂŻne, Jupiter (Mila Kunis), jeune femme de mĂ©nage russe exilĂ©e avec sa famille aux USA qui rĂŞve Ă©videmment, telle Cendrillon, d’une autre vie. De l’autre, nous nous retrouvons aux confins de la galaxie oĂą nous dĂ©couvrons une fratrie qui a l’intention de se tirer la bourre au sujet de leur hĂ©ritage intergalactique au centre duquel se trouve Ă©videmment notre planète Terre. Le film nous donne donc d’emblĂ©e pas mal d’informations avant que Jupiter se soit secourue par un Channing Tatum blond et aux oreilles pointues et emmenĂ©e d’un coin Ă  l’autre de l’espace, dĂ©couvrant un univers bien plus Ă©tendu qu’elle ne l’imaginait (et dans lequel la Terre n’est qu’un petit rouage parmi des millions).

Alternant les tons, passant de l’humour parfois un peu grotesque Ă  la romance lĂ©gère jusqu’Ă  l’action pure et le grandiose opĂ©ra SF, Jupiter Ascending a parfois le dĂ©faut de vouloir trop en mettre et trop en faire. Les Wacho Ă©tablissent un univers grandiose et fascinant avec ce concept de guerre familiale digne de Game of Thrones Ă©tendue Ă  toute une galaxie. Mais seulement, un film est bien trop court pour tout explorer en profondeur. Ainsi, nous serons forcĂ©ment abasourdis par les images qui en jettent avec des designs d’une grande classe (le mĂ©lange de renaissance et de gothique dans l’espace en impose vraiment) et par de nombreux concepts esquissĂ©s, Ă  la fois dans l’histoire de cet univers et dans certains personnages.
Toute l’ambition des auteurs se ressent au visionnage mais ils sont rapidement dĂ©passĂ©s par la durĂ©e rĂ©duite du film (en sachant pertinemment qu’il n’y aura pas de suite possible) pour prendre le temps de tout installer. Ainsi, on a l’impression que de ne jamais s’arrĂŞter et de passer d’une chose Ă  l’autre sans prendre le temps de l’explorer. On passe alors d’un monde Ă  l’autre, d’un ennemi Ă  l’autre, de personnages secondaires Ă  d’autres sans prendre le temps de les connaitre alors qu’ils ont tous des choses Ă  dire, ce qui est fort dommage.

Pourtant, la construction du film et son univers restent passionnants, nous laissant y rĂ©flĂ©chir encore en sortant de la sĂ©ance. Et cerise sur le gâteau, Jupiter Ascending est un vrai film d’auteur, loin de toute prĂ©occupation de studio. En effet, on retrouve encore ici les nombreuses influences mythologiques des Wachowski pendant tout le film, en particulier cette fois l’influence des contes, de la Belle et la BĂŞte aux bottes de 7 lieues en passant par la malĂ©fique reine tueuse de vierges, le grand mĂ©chant loup ou le Magicien d’Oz, tout cela Ă©videmment remixĂ© très adroitement Ă  la sauce SF. Et les Wacho introduisent en plus lĂ  dedans des Ă©lĂ©ments de notre culture des aliens (une petite explication de crop-circle par exemple) ou nous reparlent encore de la place de l’homme face Ă  la toute puissance du capitalisme ou de l’industrie, cohabitant encore avec des idĂ©es spirituelles comme la rĂ©incarnation. Jupiter le Destin de l’Univers recèle donc de multiples couches toutes aussi passionnantes les unes que les autres.

Malheureusement, au milieu de tout cela, les personnages souffrent un peu. Écrits Ă  la truelle, nos hĂ©ros on peine Ă  exister, en particulier Mila Kunis que l’on sent bien peu Ă  l’aise dans les scènes d’action avec un personnage de princesse de conte de fĂ©es sans arrĂŞt secourue par un Channing Tatum bien plus Ă  l’aise dans son rĂ´le de chasseur introverti qui assure dans les combats en bottes volantes face Ă  un Eddie Redmayne frisant le ridicule en bad guy. Ce dĂ©faut est heureusement compensĂ© par des images Ă  couper le souffle et des scènes d’action parfaitement maĂ®trisĂ©es.

Film-univers Ă  la fois riche et complexe et en mĂŞme temps d’une simplicitĂ© parfois trop naĂŻve, Jupiter Ascending est un objet cinĂ©matographique passionnant, dans ses qualitĂ©s comme dans ses dĂ©fauts, assurant comme il faut le spectacle mais dĂ©cevant sur son Ă©criture. Et quand on a autant envie d’en savoir plus sur ce monde crĂ©Ă© par les Wachowski, on a bien envie d’une suite (pas forcĂ©ment avec les mĂŞmes personnages) qui ne verra jamais le jour tant on sait bien que ce genre de concept original va injustement se prendre une gamelle monumentale au box-office et c’est bien dommage.

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