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Matrix Resurrections, coup de poing et coup de coeur

posté le 23/12/2021

Depuis que j’ai vu Matrix Resurrections, je dois dire qu’il me traine dans la tĂȘte. Le film est tellement dense, rempli de concepts, d’idĂ©es, de sentiments qui dĂ©notent dans le paysage hollywoodien actuel qu’il fallait bien en parler.
(attention, spoils possibles)

Les Wachowski avaient bien dit qu’elles en avaient fini avec Matrix. Mais quoi qu’il arrive, dans la quĂȘte d’Hollywood Ă  la nostalgie pour occuper les cerveaux des fans, Warner aurait lancĂ© une suite tĂŽt ou tard, avec ou sans les soeurs qui leur avaient apportĂ© cette licence Ă  l’aube des annĂ©es 2000. A l’Ăšre du revival permanent, c’Ă©tait obligĂ©. Alors quand Lana Wachowski, en solo, dĂ©cide finalement de s’y remettre suite Ă  certaines tragĂ©dies personnelles, on reprend confiance et en mĂȘme temps, on se dit qu’elle ne va pas certainement pas prendre les chemins attendus (heureusement non rĂ©vĂ©lĂ©s Ă  l’avance par le marketing du film).

Réunissant évidemment Matrix, mais aussi toutes les autres expériences réalisées ensuite (en particulier Cloud Atlas et Sense8), Lana nous propose un film qui fait autant office de suite que de constat et manifeste. Une oeuvre riche, dense, déconcertante et fascinante.

Tout d’abord, le film commence par dĂ©foncer clairement le systĂšme (Ă  la fois les studios mais aussi le fandom toxique). Ce qu’il a tentĂ© de faire de Matrix, de se l’approprier en broyant les Wacho et leur vision. Lana se rĂ©approprie ainsi sa crĂ©ation. PlutĂŽt que laisser le studio faire un 4e volet, elle reprend la main, dĂ©nonce les travers de cette idĂ©e et va plus loin en montrant que le systĂšme hollywoodien basĂ© sur la nostalgie et le remake/suite sans sens Ă  tout va a complĂštement perdu la boule et l’essentiel.

Tout ça en alignant de nouveaux concept de SF Ă  tout va qui ont encore pour but d’abolir les frontiĂšres et d’Ă©tablir du lien (thĂ©matique rĂ©currente des Wacho), cette fois entre hommes et machines. Morpheus est devenu autre chose, les humains et machines peuvent en partie cohabiter, le bullet time n’a plus lieu d’ĂȘtre, autant de nouveautĂ©s SF qui sont certes moins ostentatoires (et souvent abordĂ©es avec beaucoup de tunnels verbeux au milieu du film) que les dĂ©monstrations techniques de la trilogie originelle mais qui n’en sont pas moins intĂ©ressantes Ă  explorer.

Alors certes il y a moins d’action et celle-ci n’est pas aussi rĂ©volutionnaire et marquante qu’Ă  l’Ă©poque, mais c’est parce que Lana a dĂ©passĂ© ce stade et cherche Ă  parler avant tout de sentiments et c’est ce qui diffĂ©rencie ce film des 3 autres. Ainsi les scĂšnes d’action sont moins bien filmĂ©es et on passe mĂȘme assez vite dessus. Il n’empĂȘche qu’on y dĂ©cĂšle parfois des idĂ©es marquantes quand Neo ne fait pas que tendre les mains pour empĂȘcher les balles de l’atteindre. A l’image de cette meute matrixĂ©e en mode suicide collectif pour empĂȘcher la lumiĂšre d’arriver d’une grande rĂ©union. Une image choquante mais qui illustre l’aveuglement du fandom ou plus largement d’une partie de la population rĂ©trograde.

Car c’est lĂ  aussi que Matrix redevient complĂštement politique et gagne du coeur qui manquait dans la trilogie. En effet, l’enjeu central de Lana Wachowski est de faire se rejoindre Neo et Trinity. C’est leur amour qui transcende les choix qu’ils ont pu faire ou qu’on leur offre. Cet amour berce toute la seconde moitiĂ© du film et justifie ce nouveau choix esthĂ©tique de Matrix Resurrections, bien plus lumineux que les 3 volets prĂ©cĂ©dents. A la mĂ©canique originale succĂšde maintenant l’Ă©motion, les sentiments. Ce sont eux qui prennent le pas et guident enfin entiĂšrement le film. Ainsi, les retrouvailles de Neo et Trinity, de Keanu Reeves et Carrie Anne-Moss, sont particuliĂšrement Ă©mouvantes et pleines de sens.

Si Matrix Resurrections est aussi plein d’amour et de lumiĂšre c’est parce que Lana Wachowski en a aussi fait son cheval de bataille avec Sense8. Ce n’est pas pour rien qu’on retrouve une partie du casting de la sĂ©rie ici. En plus du plaisir de retrouver ces acteurs (dont les rĂŽles ne sont malheureusement que fonction et presque figuration aux cĂŽtĂ©s de Jessica Henwick marquante avec Bugs), c’est l’Ă©tat d’esprit et le propos politique de Sense8 qui berce cette nouvelle matrice. L’ouverture d’esprit, la bienveillance envers les autres, l’amour de son prochain, l’entraide, des valeurs « naĂŻves » qui ont tendances Ă  se perdre dans les discours rĂ©actionnaires qui se font entendre mais que Lana remet encore en avant sans jamais cĂ©der au cynisme ambiant, haut le poing levĂ© avec fiertĂ©. Ce serait peut-ĂȘtre l’occasion de se rĂ©approprier le terme « woke » avec tout ce qu’il veut dire de positif et humaniste. En ce sens, n’en dĂ©plaise aux haters, Matrix Resurrections est le blockbuster le plus ouvertement et revendicativement woke qui ne donne qu’envie de tout repeindre avec des arcs-en-ciel, et c’est beau.

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