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Mother !, critique

posté le 13/09/2017

Présenté avec sensation à Venise et Deauville, Mother ! de Darren Aronofsky ne va laisser personne indifférent tant l’expérience proposée est viscérale et les interprétations multiples. Un tour de force qui n’est pas forcément subtile mais qui a le mérite de bousculer le spectateur et de le faire réfléchir. L’un des grands moments de cinéma de l’année !

Après une incursion dans le blockbuster biblique qui s’est soldée par un échec au box office avec Noé, Darren Aronofsky n’a pas refroidit les pontes de Paramount qui distribuent son nouveau film encore plus barré, et qui poursuit en même temps certains thèmes de ses thèmes favoris tout en restant fidèle à ses personnages torturés et drogués. Le réalisateur nous propose un huis clos éprouvant aux différents degrés de lecture qui le rendent aussi violent que fascinant. Mother ! va diviser … mais pour mieux régner ?

Dans une maison isolée, une jeune femme se réveille et recherche son mari, écrivain. Ils semblent mener une vie idéale. Jusqu’à ce que débarque un vieil homme malade, bientôt rejoint par sa femme … puis ses enfants qui se disputent un héritage … et ensuite, tout dérape avec des hordes d’inconnus venant à la rencontre de cet écrivain. Mother ! est une une expérience sensorielle, une histoire difficile à résumer et à pitcher. Et pourtant il faut le voir pour comprendre ce qui sera difficile d’exprimer avec des mots.

En effet, Darren Aronofsky nous plonge dans une expérience hystérique dont on aura du mal à se remettre. Le personnage de la mère incarné par Jennifer Lawrence (qui perd toute la gouaille de ses précédents rôles face à un imposant Javier Bardem) est complètement perdue par la personnalité que développe son mari et devant les événements qui se précipitent dans son foyer jusqu’à devenir particulièrement malsains et glauques. Âmes sensibles s’abstenir, le réalisateur de Requiem for a Dream pousse le bad trip très loin, d’autant plus qu’il s’affranchit de toute musique pour rendre cela encore plus prégnant et que sa caméra ne quitte pas le visage de l’actrice. Ce qui va lui arriver dans ce huis clos infernal (ou l’enfer, c’est bien les autres) va donc bien marquer les esprits. Et si vous pensiez avoir quelque chose dans la lignée d’un Rosemary’s Baby au vu de la bande-annonce, détrompez-vous, l’expérience sera radicalement différente.

Et pour cause, Aronofsky démoli complètement l’image du couple et n’a plus aucune foi en l’humanité. Poursuivant son travail sur les personnages frustrés, sur leurs obsessions, sur la religion et le fanatisme religieux ou encore sur la destruction de la planète par l’homme, le réalisateur dresse un portrait de notre condition qui a de quoi nous révolter. Les interprétations sont ainsi multiples dans le film. On peut ainsi y voir une histoire vraiment tordue et aux limites du fantastique sur un couple en crise qui subit la pression de la société. Mais on peut également regarder de plus près le rapport pervers et narcissique que peut entretenir un écrivain avec sa muse, son inspiration, devant la détruire pour mieux renaître.

Et pour voir encore plus loin, il y a également une lecture religieuse et écologique encore plus passionnante avec cette mère nature subissant toutes les affres d’un Dieu qui ne fait que la martyriser avec ses créations et ses adorateurs dont il ne peut se détacher. En cela les parallèles avec l’ancien testament (Abel et Cain en tête) qui poursuivent la réflexion menée dans Noé sont bien représentatives de l’état d’esprit de l’auteur malade, dépressif et en colère qu’est Aronofsky, bien décidé à montrer à l’humanité le monstre qu’elle est devenue.


Ce côté vraiment extrême du film qui avance avec, il faut le reconnaître, quelques gros sabots, va surement en rebuter plus d’un. Mais quoi qu’il en soit, on concédera à son auteur de ne pas faire de concession et d’aller au bout de ses idées. En ce sens, il s’est donné pour mission de nous secouer et Mother ! y réussit parfaitement, devenant alors l’une des expériences les plus intenses et viscérales vues au cinéma cette année, voir même depuis bien longtemps. Il y a bien matière à réflexion.

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