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12 Years a Slave, critique

posté le 07/01/2014

Film choc pour certains, encensĂ© par la critique et en bonne ligne de mire pour les Oscars, 12 Years a Slave et son sujet difficile sur l’esclavage vont faire parler … malgrĂ© la lourdeur du propos.

Étrangement, alors que l’esclavage Ă©tait une pĂ©riode longue et assez difficile pour les États-Unis, celle-ci a Ă©tĂ© assez peu traitĂ©e au cinĂ©ma, certainement Ă  cause d’une honte qui couvre encore les amĂ©ricains et dont les rĂ©percussions sur le traitement des afro-amĂ©ricains sont toujours prĂ©sentes. Pourtant en 2013, deux films n’ont pas hĂ©sitĂ© Ă  aborder le sujet frontalement avec d’un cĂ´tĂ© l’acadĂ©mique Lincoln de Spielberg (qui avait dĂ©jĂ  traitĂ© le sujet de manière mĂ©lo dramatique avec Amistad et aussi, d’une certaine manière, avec la Couleur Pourpre), de l’autre avec le dĂ©jantĂ© Django Unchained de Tarantino (et on pourrait presque ajouter le magnifique Cloud Atlas et le Majordome insipide de Lee Daniels qui traitait de la sĂ©grĂ©gation). 12 Years a Slave est donc finalement en peu de temps le 3e film parlant d’esclavage et ce n’est pas plus mal tant il faut bien en parler pour ne pas l’ignorer et reproduire les mĂŞmes erreurs.

Après Hunger et Shame c’est un nouveau sujet fort qu’Ă©voque le rĂ©alisateur Steve McQueen et Ă©videmment, de manière radicale. Adaptant l’autobiographie Douze ans d’esclavage de Solomon Northup, nous suivons donc cet afro-amĂ©ricain libre vivant Ă  Washington, capturĂ© et rendu esclave pendant 12 ans. A peine le temps de connaitre ce personnage et son mode de vie que le voilĂ  plongĂ© dans une descente immĂ©diate aux enfers de la Louisiane.

Évidemment, le film assume complètement le devoir de mĂ©moire qu’il se doit de faire transparaitre et nous montre bien les conditions d’appartenance et de travail forcĂ© de ces esclaves, rabaissĂ©s autant physiquement que psychologiquement par des maĂ®tres lâches, violents ou juste horrible. En vingt minutes, la leçon est apprise mais seulement le film dure plus de deux heures et ne va faire qu’enfoncer le clou Ă  chaque instant de manière lourde, insistant sur les coups de fouets pour marquer les regards des spectateurs et  pour montrer la dĂ©tresse de ces personnages et la violence dont ils font l’objet de manière frontale. Une lourdeur renforcĂ©e par la musique d’un Hans Zimmer plagiant sans vergogne sa composition de la Ligne Rouge, offrant un sentiment d’inachevĂ© Ă  chaque fois.

RenforcĂ© par l’effet « histoire vraie » plombant et alors que le personnage ne fait finalement pas grand chose pour s’en sortir, le film agace d’autant plus que les 12 annĂ©es qui passent sont très mal gĂ©rĂ©es, le personnage ne perdant pas tant que cela en dĂ©shumanisation et en espoir toujours prĂ©sent. Nous avons tout juste l’impression qu’il a passĂ© quelques mois dans ces horribles conditions et nous prenons conscience du temps qui a passĂ© seulement dans l’Ă©pilogue passant bien trop vite et manquant alors d’Ă©voquer les consĂ©quences plus profondes de cet esclavage.

Mais si 12 Years a Slave rate le coche du cĂ´tĂ© de son histoire et de la manière de la raconter, il n’en est pas de mĂŞme avec les comĂ©diens. L’Ă©ternel « second rĂ´le black de service », Chiwetel Ejiofor, a enfin l’occasion de montrer l’Ă©tendue de son talent, en particulier dans une scène contemplative oĂą il se met Ă  regarder longuement le spectateur d’un air dĂ©sespĂ©rĂ© (ajoutant encore du pathos Ă  la mise en scène lourde de Steve McQueen) alors que Michael Fassbender confirmera toute l’Ă©tendue de son talent dans le rĂ´le d’un esclavagiste alcoolique et que la jeune rĂ©vĂ©lation Lupita Nyong’o s’illustre dans un rĂ´le difficile. A cĂ´tĂ© d’eux, Benedict Cumberbatch est assez transparent et Brad Pitt, pour deux minutes de prĂ©sence en ange-gardien (il est producteur, il lui fallait bien un petit rĂ´le), est assez ridicule et inutile, renforçant le caractère passif du hĂ©ros.

12 Years a Slave a donc tout pour ĂŞtre un grand film sur le papier, dĂ©veloppe un sujet sensible qui se doit d’ĂŞtre abordĂ© et va sans conteste ravir les votants des Oscars, mais s’Ă©croule rapidement devant la lourdeur qu’il entretient en permanence et peut alors devenir assez irritant en assĂ©nant ainsi sa leçon d’humanisme. C’est dommage qu’autant de talents se soient pris les pied dans le tapis de l’histoire vraie.

publié dans :Cinéma Critiques ciné

  1. michelle
    07/01/2014 Ă  22:45 | #1

    On attend donc ‘le code noir’ production française sur la traite nĂ©griere et sa codification en France?

  2. valery
    12/01/2014 Ă  02:20 | #2

    Chiwetel Ejiofor ‘noir de sercice’ est un peu insultant pour cet acteur.
    Je ne suis pas sûr que la France sois un exemple en ce qui concernne la présence des noirs dans les médias, la politique ou encore au cinéma.
    les rares rĂ´les qu’on leur infligent son humiliant ,caricaturaux et stĂ©rĂ©otypĂ© (ex intouchable) ce qui malheureusement traduit Ă©galement la vision que la sociĂ©tĂ© Française Ă  de cette population .
    Contrairement avec les Etats-Unis ou la comparaison est assez humiliante pour la France, avec des acteurs noirs innombrales, ayant des rôles variés, complexe (même si il ya toujours des progrès à faire).

  3. FredP
    12/01/2014 Ă  11:32 | #3

    Bonjour en disant « second rĂ´le black de service », je n’ai en aucun cas voulu insulter cet acteur mais justement mettre en relief le type de rĂ´le auquel il est habituellement cantonnĂ© dans les films hollywoodiens et nul doute qu’après avoir enfin tenu ce premier rĂ´le dans 12 Years a Slave il devrait maintenant avoir des rĂ´les plus importants Ă  l’instar de Denzel Washington.

  4. akimele
    20/01/2014 Ă  11:25 | #4

    Moi personnellement je n’ai pas encore vu ce film mais les critiques du public sont unanimes sur ce film surtout en Angleterre mĂŞme les Français Ă  l’Ă©tranger sont positifs Ă  son sujet. Mais en France on ne supporte pas mieux que soi. Jamais en France on a eu « les boules » de faire ou de traiter un sujet sur l’esclavage, on n’assume pas cette partie de notre histoire glorieuse dans l’humanitĂ© cette traite de l’homme Africain. Mais la chaos c’est normal de le traiter sur toutes ces formes, c’est le seul crime contre toute une population. Et pourtant la France Ă  bien les mains tremper dans ce passĂ© sordide sur l’esclavage. Toussaint Louverture capturĂ© en Haiti puis fait prisonnier en France dans le JURA, les Antilles Françaises, les enfants de L’ile de la rĂ©union etc…. Enfin bref balayĂ© devant notre porte avant de balayĂ© devant celle des autres.

  5. FredP
    20/01/2014 Ă  11:35 | #5

    Tout Ă  fait et c’est bien ce que j’indique dans la critique. Ce sujet difficile doit ĂŞtre abordĂ© au cinĂ©ma. C’est un devoir qui est trop peu appliquĂ©, comme tout ce qui peut gĂŞner la France.
    A ce titre, l’esclavage semble aussi tabou dans le cinĂ©ma Français que la Guerre d’AlgĂ©rie ou autre. Et dès que ce genre de sujet est abordĂ© (l’Ennemi Intime de FE Siri, l’Ordre et la Morale de Kassovitz, …), il est Ă©trangement Ă©vacuĂ© des mĂ©dias.
    Ensuite, si il est Ă©videmment indispensable d’en parler, au cinĂ©ma, il y a aussi la manière de mettre ce sujet en scène avec une histoire intĂ©ressante, …