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Only God Forgives, critique

posté le 27/05/2013

Après son prix de la mise en scène pour Drive (lui valant aussi une belle reconnaissance du public), le danois Nicolas Winding Refn est de retour à Cannes pour présenter Only God Forgives un trip œdipien étrange dans un Bangkok halluciné et toujours avec Ryan Gosling.

Nicolas Winding Refn (que l’on prĂ©fĂ©rera appeler NWR), n’est pas atypique pour rien. Après le succès de Drive, son film le plus accessible et grand public, les premières images dĂ©voilĂ©es de Only God Forgives nous faisaient replonger dans cette ambiance en remettant en avant la tĂŞte d’affiche Ryan Gosling. Mais le rĂ©alisateur danois ne rĂ©alise jamais deux fois le mĂŞme film et va nous le montrer ici. Car Only God Forgives est loin de ce qui a Ă©tĂ© vendu ou de ce qu’on pouvait en attendre, prenant plus le temps de dĂ©velopper une atmosphère mystique et Ă  la violence aux limites du grotesques pour une histoire minimaliste. Une chose est alors certaine, il ne laissera pas indiffĂ©rent.

Les histoires les plus simples sont parfois les meilleures et NWR l’a bien compris, ne s’embarrassant pas dans une manipulation du spectateur. Ici, il nous offre en apparence un simple rĂ©cit de vengeance. Julian, gĂ©rant d’un club de boxe en ThaĂŻlande vient de dĂ©couvrir que son frère a Ă©tĂ© assassinĂ© après avoir violĂ© et tuĂ© une jeune fille de 16 ans. Alors sa mère, Ă  la tĂŞte d’une organisation  criminelle, va rĂ©clamer la tĂŞte des personnes responsables de la mort de son fils prĂ©fĂ©rĂ©.

Une simple histoire de vengeance ? Oui, mais pas forcĂ©ment de la manière dont on s’y attendrait. Car avant tout,  renouant avec ce qu’il avait explorĂ© dans Valhalla Rising dans l’ambiance, NWR va nous installer dans un Bangkok sombre et dĂ©rangĂ©, lugubre au travers d’une mise en scène saisissante, hypnotisante. Les images rouge sang sont sublimes, le travail sur le son Ă  tomber, donnant alors au film une atmosphère pesante et parfois mystique. Cette ambiance prend alors complètement le pas sur l’histoire et les personnages presque tous muets. NWR n’est pas un grand bavard et laisse place Ă  la contemplation de la violence graphique, viscĂ©rale mais pas pour autant dĂ©nuĂ©e de sens ni glorifiĂ©e. De ce cĂ´tĂ© lĂ  aussi le film impressionne et certains personnages n’en ressortiront pas indemnes.

Mais ce n’est pas parce qu’Only God Forgives arrive aisĂ©ment Ă  se passer de mots qu’il ne raconte rien et simplicitĂ© de l’histoire ne rime pas forcĂ©ment avec manque de profondeur. Derrière ce rĂ©cit sur la vengeance (ou plutĂ´t la non-recherche de vengeance selon le personnage auquel on s’attache), laisse rapidement place Ă  un thème beaucoup plus fascinant et jamais abordĂ© par le rĂ©alisateur, celui de la relation mère-fils. Et celle-ci est dĂ©vastatrice. Rappelant parfois la cruditĂ© et le pathĂ©tique des personnages de sa trilogie Pusher, il nous montre ici une mère castratrice qui n’hĂ©site jamais Ă  humilier le fils qui lui reste.

Dans le rĂ´le de cette mère horrible, Kristin Scott Thomas totalement Ă  contre emploi se rĂ©vèle impressionnante. L’image de la femme n’en ressort pas grandie dans le cinĂ©ma de Refn mais elle se fait cette fois bien plus marquante. Et en face d’elle, on retrouve Ryan Gosling qui ne dĂ©crochera presque pas un mot, aussi vulnĂ©rable qu’un gamin de 8 ans cherchant Ă  plaire Ă  sa mère tout en voulant s’en dĂ©tacher de manière pathĂ©tique, quitte Ă  prendre des coups. En ce sens, on ne s’attache jamais aux personnages dĂ©crits de manière assez froide mais c’est cette relation entre les deux qui donne toute sa profondeur au film et le rend fascinant, donnant envie d’y revenir pour comprendre tous les rouages de cette connexion complexe et ses rapports Ă  une mythologie monstrueuse.

Loin de Drive, Refn est avec Only God Forgives parfois Ă  la limite du grotesque avec sa sĂ©quence de torture ou la transparence d’un Ryan Gosling poseur. Et pourtant si on se laisse hypnotiser, on y trouvera bien plus qu’une oeuvre Ă  la prĂ©tention assumĂ©e mais pas exagĂ©rĂ©e, une violente et passionnante rĂ©flexion sur le complexe d’œdipe qui interroge encore après la sortie.

publié dans :Cinéma Critiques ciné

  1. 27/05/2013 Ă  10:23 | #1

    Belle présentation de ce film que je classerais plutôt dans « shooting photo sonorisé ».
    En effet, mĂŞme si derrière toute cette mise en scène, il y a un sujet, voire plusieurs, Ĺ“dipe, inceste, vengeance, morale, qui est le gentil et le mĂ©chant… Il n’en reste pas moins qu’on peut ĂŞtre amenĂ© Ă  sĂ©rieusement s’emmerder.

    Ses plans sont trop longs, il a usĂ© jusqu’Ă  la corde le ralenti, les plans mystĂ©rieux façon David Lynch. Le problème est qu’il a, Ă  mon avis, passĂ© le seuil de tolĂ©rance de beaucoup de spectateurs.

    Tout son film est sur le mĂŞme rythme. Autant Drive avait beaucoup d’ingrĂ©dients qui font qu’on est emportĂ©s par le rĂ©cit, autant Only God Forgives n’en utilise que la couche superficielle (esthĂ©tique, cadrages, ralentis, direction d’acteur).

    L’erreur Ă©tait peut-ĂŞtre d’utiliser ces mĂŞmes codes avec le mĂŞme acteur principal et de faire un trailer qui nous promets des choses qui n’arrivent pas.

    Il n’y a pas de vraie rupture comme dans 2001. Je compare Ă  ce film le rythme, l’atmosphère, les très longs plans et le soin apportĂ© Ă  la mise en scène et au cadre.

    Gros problème Ă©galement, aucun suspens n’est possible dans ce film.
    En effet tout coule de source, tout est inévitable et même la fin est prévisible.

    C’est dommage car il a beaucoup de choses pour faire un grand film mais restera une expĂ©rience cinĂ©ma pour les amateurs de rĂ©alisateurs qui contemplent trop leur crĂ©ation.

  2. 31/05/2013 Ă  19:12 | #2

    En fan de la première heure de NWR je suis mitigĂ©… Oui c’est un très grand film encore une fois mais je trouve que Hollywood arase le cotĂ© brut et rugueux du rĂ©al… 3/4 (mon 1er film n’ayant pas les 4 concernant ce rĂ©al)

  3. 01/07/2013 Ă  13:41 | #3

    Il est un peu en train de s’enfermer dans un role, non?