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Loin des Hommes, critique

posté le 08/01/2015

Quand un français rĂ©alise un film qui se rapproche d’un western australien se dĂ©roulant juste avant la guerre d’AlgĂ©rie dans les montagnes de l’Atlas avec un citoyen du monde comme Viggo Mortensen, ça donne Loin des Hommes et c’est assez rĂ©ussi.

Pour son second film au cinĂ©ma, David Oelhoffen s’intĂ©resse Ă  une nouvelle d’Albert Camus, l’HĂ´te. Il s’en inspire librement pour livrer un rĂ©cit digne d’un western, rassemblant ce qu’il faut de paysages dĂ©sertiques et de hĂ©ros solitaires dans un contexte difficile. Ainsi, nous faisons la connaissance de Daru, instituteur d’origine espagnole qui instruit les mĂ´mes qui habitent dans un recoin de l’Atlas. Alors que la rĂ©bellion commence, il doit escorter un paysan accusĂ© de meurtre vers la ville la plus proche pour qu’il soit jugĂ©. Un trajet qui ne sera pas si simple mais qui permettra aux deux hommes de se comprendre.

Si le contexte des dĂ©buts de la Guerre d’AlgĂ©rie est prĂ©sent dans le film, ce n’est absolument pas le sujet du film et cela, David Oelhoffen l’annonce clairement. Ce qui va l’intĂ©resser, c’est le parcours de ces deux hommes diamĂ©tralement opposĂ©s qui vont petit Ă  petit se comprendre et se lier d’amitiĂ©. Car aucun des deux n’est mauvais, tous deux ont un passĂ© difficile qui nous dĂ©couvrons peu Ă  peu et tous deux ont leurs failles q, des actes qu’ils ne veulent pas commettre, un honneur Ă  sauver, des origines Ă  retrouver pour avoir une place qu’ils ont perdu, des repères qui avaient disparu.

Le portrait de Daru et Mohamed est donc un portrait complexe, remplit de compassion pour deux personnes auxquelles on s’attache et qui sont formidablement jouĂ©es par un Viggo Mortensen toujours aussi intense, et un Reda Kateb qui n’en fini pas de montrer toute l’Ă©tendue de son talent. Les deux acteurs montrent ici toutes les facettes de leurs personnages avec une grande humilitĂ© face aux dĂ©cors dans lesquels ils jouent. Avec peu de mots, essentiellement Ă  travers leurs regards et leurs gestes, ils arrivent Ă  faire en sortent que leurs personnages communiquent et Ă  montrer des intentions, et des Ă©motions qui sont touchantes.

Il faut dire que le rĂ©alisateur les laisse particulièrement bien s’exprimer et les mettant en valeur, n’hĂ©sitant pas Ă  s’attarder sur eux sans pour autant les forcer Ă  parler, ce qui donne un film aussi silencieux et envoĂ»tant que le dĂ©sert dans lequel ils se trouvent. Car ici, la nature a aussi un rĂ´le Ă  jouer. Le dĂ©sert aride parfois arrosĂ© de pluies insoutenables ou cachĂ© par la brume est un personnage Ă  part entière qui donne au film une atmosphère parfois très dure qui exacerbe la violence de l’arrivĂ©e des soldats, ou d’autres fois dĂ©veloppe une ambiance quasi mystique qui renforce encore le  parcours solitaire de ses deux personnages.

Ce rĂ´le primordial du dĂ©sert nous rappelle donc aux westerns crĂ©pusculaires, fascinants, violents et intimistes comme on a pu en voir rĂ©cemment en venant d’Australie (the Proposition par exemple), dont l’usage de la musique de Nick Cave et Warren Ellis ne fait qu’accentuer le rapprochement. Tous les Ă©lĂ©ments d’un western tournĂ© dans l’Atlas sont lĂ , avec Ă©galement ses mercenaires, ses hĂ©ros qui se disputent, ses couchers de soleils, ses hĂ©ros perdus et mutiques. Il en ressort alors une atmosphère fascinante et un parcours intĂ©rieur des personnages qui l’est tout autant, d’autant plus que le rythme lent n’ennuie jamais puisque nous ne savons jamais les obstacles qu’ils rencontreront sur leur chemin.

Loin des Hommes est donc un western intimiste fascinant oĂą les superbes images du dĂ©sert le disputent Ă  la personnalitĂ© de ses deux personnages magnifiquement interprĂ©tĂ©s et avec beaucoup d’humanitĂ©. Une belle leçon.

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