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Culte du dimanche : Impitoyable de Clint Eastwood

posté le 22/02/2015

A l’occasion de la sortie d’American Sniper nommĂ© aux Oscars, revenons le premier film grandement rĂ©compensĂ© de Clint Eastwood, le western crĂ©pusculaire sur la violence qui faisait dĂ©jĂ  office de testament il y a plus de 20 ans : Impitoyable.

Les annĂ©es 80 furent un peu une pĂ©riode de vaches maigres pour Clint Eastwood, car entre la fin de l’Inspecteur Harry et le succès critique de Bird qui n’a toutefois pas fait beaucoup bouger les foules, l’acteur-rĂ©alisateur a un peu perdu de vue son public. C’est Ă  ce moment qu’il tombe sur un scĂ©nario achetĂ© depuis longtemps par Warner et Ă©crit David Webb Peoples (Blade Runner) mais qui n’avait toujours pas Ă©tĂ© mis en scène. Eastwood dĂ©cide donc de s’en occuper en prenant son temps, notamment pour convaincre un Gene Hackman rĂ©ticent, qui avait dĂ©jĂ  refusĂ© le rĂ´le autrefois.

Il faut dire que ce western est assez sombre et s’intĂ©resse de très près Ă  la violence. Impitoyable commence ainsi par une prostituĂ©e d’une petite ville du Wyoming qui se fait dĂ©figurer par un client mĂ©content. MĂ©contentes du traitement ordonnĂ© par le shĂ©rif de la ville, les femmes de cette maison close se rĂ©unissent et dĂ©cident d’offrir une prime Ă  quiconque leur ramènera la tĂŞte du coupable. C’est avec cette offre qu’un petit malfrat dĂ©barque chez William Munny, un ancien tueur qui Ă©lève seul ses enfants dans sa ferme depuis la mort de sa femme. Après quelques hĂ©sitations, il va retourner sur ce chemin de violence avec l’un de ses vieux amis. Mais il ne sera pas seul Ă  vouloir la prime.

Si le pitch a tout pour nous embarquer dans une histoire de chasseur de prime et de violence avec ce qu’il faudrait de grandes fusillades et de morts spectaculaires digne des grands westerns d’antan, le film prend toutefois rĂ©gulièrement une direction opposĂ©e Ă  celle que l’on pourrait attendre. DĂ©tournant toujours les clichĂ©s du genre, Eastwood, avec l’appui du scĂ©nario, va au contraire plutĂ´t s’intĂ©resser aux personnages et aux consĂ©quences de leurs actes. Ainsi, lorsque l’on voit nos cowboys aux abords d’un train, il n’y aura pas d’assaut, et lorsque le petit malfrat dĂ©butant se met Ă  tuer quelqu’un pour la première fois de sa vie, il est pris de remords. Et mĂŞme lorsque Munny doit se venger, cela ne se fera pas dans une grande scène d’action explosive mais dans un cadre serrĂ© alors que l’icĂ´ne des bandes-dessinĂ©es sera, elle, rĂ©duite Ă  nĂ©ant.

Ainsi, Impitoyable interroge sans arrĂŞt sur l’usage de la violence et des armes, n’hĂ©sitant jamais Ă  nous en montrer les consĂ©quence sous un angle très humain. En nous montrant les coups en face (le tabassage en règle d’English Bob est assez Ă©cĹ“urant), il va parfois assez loin sans jamais porter un point de vue entre le bien et le mal. Car ici, tous les personnages ont leur face sombre, que ce soit Munny, l’ancien tueur de l’Ouest qui cherche maintenant Ă  vivre normalement malgrĂ© ses cauchemars, oĂą le shĂ©rif Little Bill, figure de l’autoritĂ©, qui dĂ©passe allègrement l’exercice de ses fonctions.

Clint Eastwood, figure incontournable du western, ne choisit Ă©videmment pas son rĂ´le au hasard. Dans la peau de Munny, il annonce bien clairement qu’il s’agit lĂ  de son dernier western et se met donc en scène comme dans un testament (chaque film depuis sera d’ailleurs un peu un testament) pour annoncer la fin. Comme souvent dans sa filmographie, il parle bien de son obsession pour la mort (ici, son personnage doit surmonter la mort de sa femme, de ses amis, et son dĂ©sir de vengeance) avec une rĂ©alisation assez sobre (magnifiant les paysages au passage) qui laisse toute la place aux personnages et Ă  leurs Ă©motions face aux noirs Ă©vĂ©nements qui se dĂ©roulent.

Surprenant constamment le spectateur en refusant la voie du western Ă  grand spectacle, Impitoyable sera alors immĂ©diatement reconnu comme un grand film. D’une part, le public lui fera l’honneur d’un grand succès, mais en plus la critique et les professionnels vont l’ovationner, en particulier aux Oscars oĂą Eastwood repartira avec les statuettes de meilleur film et meilleur rĂ©alisateur alors que Gene Hackman sera Ă©galement rĂ©compensĂ©. Un succès justifiĂ© et qui, avec Danse avec les Loups, participe au renouveau du genre pour les dĂ©cennies Ă  venir puisque encore maintenant, les westerns comme l’Assassinat de Jesse James se trouvent dans cette passionnante lignĂ©e alors qu’Eastwood enchaĂ®nera ensuite les succès avec Un Monde Parfait ou encore Sur la Route de Madison).

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