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Dune, en immersion sur Arrakis

posté le 24/09/2021

dune critique

Le voilà, le film qui fait revenir le public dans les salles. Dune, l’adaptation tant attendue du roman de SF culte par Denis Villeneuve est enfin arrivé au cinéma et nous pouvons l’admirer dans toute sa splendeur ! Un succès en France et que l’on espère dans le monde pour avoir le droit à la suite !

Il aura bien fallu que je me prenne une claque comme je n’en avais pas pris depuis Mad Max Fury Road afin pour reprendre la plume sur le blog depuis de nombreux mois. Il y a des films comme ça qui donnent envie d’écrire, de partager, d’échanger et de s’y immerger ensuite à nouveau. Et cette adaptation longuement attendue de Dune a tout du début de grande fresque de SF que l’on n’espérait plus !

Car après le projet heureusement avorté de Jodorowski (trop mégalo et psychédélique, d’emblée voué à l’échec mais nous offrant un superbe documentaire), la première adaptation désavouée de Lynch (mais qui possède toutefois quelques parcelles de son génie derrière une patte qui a très mal vieilli), des mini-séries et adaptations en jeux vidéo dans les années 90-2000, il était temps de donner à Arrakis et Paul Atreides un destin glorieux sur le grand écran. Et après de nombreuses tentatives infructueuses, c’est entre les mains de Denis Villeneuve que le projet a atterri.

Un choix audacieux mais qui fait en même temps complètement sens tant la filmographie (autant Incendies, qu’Enemy ou Sicario) du québécois se prédestinait à adapter Dune. De l’omniprésence des déserts, du labyrinthe du temps et de l’esprit sans oublier les histoires d’héritage jusqu’à un rapprochement vers la science-fiction adulte depuis Premier Contact. Malgré la déception au box-office de Blade Runner 2049 (mais qui reste un sublime film de SF), Villeneuve a tracé sa route tout droit vers l’adaptation de l’ouvrage de Frank Hebert qu’il chérissait.

Pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire de ce récit qui inspira autant Star Wars que Game of Thrones, nous voici en l’an 10 191. L’univers se dispute une ressource rare, l’épice, qui n’est produite que sur la planète des sables Arrakis. Une ressource indispensable pour l’empire car elle donne des dons de préscience et permet le voyage interstellaire. La famille Atréides est missionnée par l’Empereur pour reprendre Arrakis mais derrière cette promotion se cache un piège mortel. En parallèle, Paul, le fils Atréides, est pressenti pour devenir le messie annoncée par l’organisation des Bene Gesserit.

Mêlant autant destin personnel et familial, complots politiques, manipulation religieuses, propos sur la colonisation et l’écologie, l’histoire de Dune est dense et complexe et ne peut clairement pas se satisfaire d’un blockbuster de 2h. Et Denis Villeneuve l’a bien compris en choisissant d’en faire un dytique (dont la seconde partie – et potentiellement l’adaptation des livres suivants – doit attendre les résultats favorables de la première pour être lancée) et ainsi rendre justice à l’ampleur du récit de Herbert.

Ce premier volet d’une durée déjà important de 2h35 adapte donc les deux premiers tiers du premier livre pour introduire de manière claire l’univers de Dune et son contexte. C’est peut-être son plus gros (et presque unique) défaut : n’être que l’introduction à un univers et des concepts bien plus vaste, laissant un sentiment de frustration (d’autant plus que la fin choisie n’est peut-être pas la meilleure) alors qu’on y serait bien resté quelques heures de plus.

En étant fidèle au livre tout en étant aussi limpide que possible pour les néophytes, qui souhaitent enfin un divertissement adulte, nous découvrons donc l’installation des Atréides sur Arrakis et les résultats des manigances des Harkonnen ainsi que l’éveil de Paul. Les grandes séquences cultes du livre sont bien là, de manière claire, avec des personnages particulièrement bien campés par un casting de luxe que l’on sent particulièrement investi pour apporter toute la profondeur de leurs personnages. A ce titre Timothée Chalamet confirme son talent avec un personnage complexe qui ne fait que débuter son voyage, Rebecca Ferguson endosse le rôle de sa mère avec subtilité et le reste du cast n’est pas en reste de classe (ce charisme d’Oscar Isaac !) et de voix vibrante.

Mais la grande réussite de Villeneuve est surtout de nous entrainer dans son monde avec une récurrence de la pulsation et de la vibration qui nous font vivre cette histoire en totale immersion. La direction artistique est d’une cohérence et d’une beauté minimaliste folle. La photographie Greg Freiser (Rogue One et le prochain Batman) est sublime et cherche autant le réalisme que le tableau avec un rapport à l’échelle bien travaillé et évitant à chaque instant la carte postale du désert pour en imprimer toute la sécheresse. Et la composition expérimentale de Hans Zimmer nous plonge d’emblée dans une atmosphère unique et fascinante, aussi mystérieuse qu’étrangère (il n’avait pas été aussi audacieux depuis Interstellar). Bref, avec ces atouts plastiques et sonores, Dune développe une identité unique qui prend vraiment toute son ampleur sur le grand écran du cinéma pour un spectacle immersif total où la beauté des scènes intimistes le dispute à l’intensité des scènes d’action (plutôt rares mais formidables avec ces légendaires vers des sables), appuyés par des effets visuels réussis (pas l’ombre d’une mauvaise incrustation en fond vert par ici).

Alors bien sûr, par rapport au livre, il reste tout de même certaines zones d’ombre puisqu’on ne voit pas l’Empereur ou la Guilde spatiale, les mentats font aussi de presque figurants, les Bene Gesserit restent encore bien mystérieuses, et certains personnages sont réduits au strict minimum (les apparitions encore rares des Harkonnens, le rôle furtif du Dr Yueh ou encore la disparition du récit de Gurney Halleck). Mais ce sont des sacrifices nécessaire pour alléger la compréhension du monde et l’histoire, mais aussi pour mettre en avant ce qui intéresse avant tout Villeneuve.

Car les grandes thématiques du roman son bien présentes dans ce Dune de Villeneuve. D’abord les questions d’héritage que doit assumer Paul son approfondies, mais c’est surtout son éveil spirituel qui est à venir et il y aura bien le temps dans la suite pour s’y attarder. La notion de la manipulation religieuse des peuples est aussi soulignée, de même que l’interventionnisme et la colonisation des peuples sont toujours aussi prégnants et actuels. Et évidemment la question écologique n’a même pas besoin d’être soulignée tant elle coule de source dans ce désert. Toutes ces thématiques plus que jamais d’actualité sont présentes en filigrane dans cette introduction et ne demandent qu’à exploser dans la suite.

Alors on pourra reprocher au film son manque de psychédélisme, de folie, ou encore son manque de chaleur et d’émotion. Pour le premier, en effet, Villeneuve adopte ici un point de vue réaliste pour nous faire accepter cet univers. Une démarche qui s’inscrit dans notre époque mais qui n’a pas encore tout à fait lieu d’être dans ce premier film puisque c’est surtout dans le second volet que les effets de l’épice prendront toute leur importance.
Quand à la notion de chaleur, d’une part Villeneuve s’intéresse plus à la sécheresse du désert qu’à sa chaleur et c’est bien ce qu’il nous est donné de ressentir ici, un film sec et dur. Et d’autre part, le livre n’a jamais été un grand mélo familial puisque les personnages ne font toujours que retenir leurs émotions. Il est donc normal qu’elles manquent au film et que Villeneuve ne penche plus sur l’analyse des pensées des personnages plutôt que de leurs états d’âmes et de larmes. Ces choix, qu’on y adhère ou non, sont donc parfaitement cohérents avec ce que doit être cette adaptation de Dune.

Vous l’aurez compris, Dune sera donc une expérience complète en salle de cinéma, nous offrant enfin un univers de SF passionnant dans lequel s’immerger comme nous n’en avons pas eu depuis longtemps. Le film est une grande claque artistique fascinante et dont on a même du mal à ressortir. Le contexte et les personnages sont posés dans un film cathédrale admirable et tout cela ne demande maintenant qu’à nous surprendre davantage dans la suite ! Oui, on en prendra clairement plein les yeux mais aussi plein l’esprit avant d’y retourner.

Avec son million d’entrées atteint en France en 1 semaine, Dune est donc déjà un succès dans nos cinéma. Cela montre déjà qu’un blockbuster adulte était attendu de pied ferme et rassure encore sur l’entrain du public à retourner en salles. Il faut donc maintenant croiser les doigts pour qu’il performe aussi bien dans tous les pays du monde et aussi sur HBO Max (puisqu’au USA il sera disponible au cinéma et sur la plateforme en même temps), pour que la suite soit officialisée et sorte le plus vite possible. L’équipe du film est partante, et moi aussi en tout cas !

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