Hunger Games, critique
Le phĂ©nomène ado Hunger Games dĂ©barque sur les Ă©crans. Si dans le fond le film est intĂ©ressant, il n’en est pas moins maladroit.
Avec la Twilight qui touche Ă sa fin, il fallait bien trouver une nouvelle saga pour rameuter les ados au cinĂ©. Les petits studios US ont donc jetĂ© leur dĂ©volu sur le phĂ©nomène littĂ©raire Hunger Games. La recette marketing est la mĂŞme que pour les vampires qui brillent Ă la lumière du jour un sujet qui pourrait ĂŞtre violent traitĂ© avec une certaine retenue et surtout l’icĂ´nisation de personnages pour en faire des rĂ©fĂ©rence de la culture ados. Mais lĂ oĂą Stephenie Mayer impose une morale nausĂ©abonde avec une niaiserie imbuvable, Suzanne Collins crĂ©Ă© un univers bien plus prenant et avec un regard plus lucide sur la rĂ©alitĂ© et les batailles des ados aujourd’hui. La comparaison s’arrĂŞtera donc au marketing entourant aussi bien les livres que les films tant les deux n’ont finalement pas grand chose Ă voir.
Avec Hunger Games, nous dĂ©barquons donc dans un pays futuriste non identifiĂ© divisĂ© en districts suite Ă une rĂ©volte et oĂą, pour maintenir la paix, des jeux sont organisĂ©s. Ces jeux voient des ados se livrer une bataille Ă mort dans une arène forestière, le spectacle Ă©videmment filmĂ© et retransmis en direct pour divertir la masse. Évidemment, sur ce pitch loin d’ĂŞtre nouveau (mixant Battle Royale et autres Running Man Ă la sauce teenage) viendront se greffer quelques Ă©mois adolescentes pour contenter le public cible.
Sur le fond, Hunger Games est loin d’ĂŞtre stupide et peut mĂŞme faire enfin rĂ©flĂ©chir cette gĂ©nĂ©ration Facebook sur notre sociĂ©tĂ© de divertissement. L’idĂ©e est plutĂ´t bien sentie avec les mĂ©dias et leur manipulation du public Ă des fins politiques et la rĂ©bellion qui va sans doute s’en suivre. Toutefois, cette rĂ©flexion est assez maladroite dès le dĂ©part car on ne comprend pas trop pourquoi le fait de retirer des enfants d’une nation pour les tuer apporterait la paix plus que la rĂ©volte. Mais passĂ© ce cafouillis d’introduction l’univers qui nous est prĂ©sentĂ© est assez original, navigant entre le kitsch sur-maquillĂ© des riches et la pauvretĂ© des autres districts. Tout se tient Ă peu près pour entrer dans le film malgrĂ© son budget rĂ©duit qui lui donne des fois des allures de film pour la TNT.
Car si le fond est assez convaincant, le rĂ©alisateur Gary Ross est plutĂ´t un mauvais choix et sa mise en scène fleure souvent avec le n’importe quoi. Il suffit de le voir agiter sa camĂ©ra dans le vide comme un Ă©pileptique Ă la moindre scène d’action pour ne rien comprendre. Ainsi, les bagarres sont illisibles et rĂ©glĂ©es en deux temps trois mouvement, si bien que l’on ne comprend pas les coups portĂ©s ou les morts. Et lorsqu’il pose enfin sa camĂ©ra dans les moments plus intimistes, il rĂ©vèle toute la superficialitĂ© du film. Visiblement pas Ă sa place et pas vraiment Ă l’aise avec la violence, Ross l’Ă©dulcore le plus possible, Ă la fois graphiquement (pas beaucoup de sang) et psychologiquement (l’hĂ©roĂŻne ne tue finalement personne et c’est toujours un concours de circonstance, diminuant alors la portĂ©e dramatique du « jeu mortel » … d’ailleurs on arrive mĂŞme au ridicule oĂą elle prĂ©fère faire un bouquet pour honorer une amie perdue au combat plutĂ´t que fuir les chasseurs Ă ses trousses).
Le rĂ©alisateur passe d’ailleurs Ă cĂ´tĂ© de beaucoup de choses qui auraient pu donner plus de consistance au film et aux combats. Hormis l’Ă©quipe de l’hĂ©roĂŻne, tous les personnages ne sont prĂ©sentĂ©s que comme de la chair Ă canon, si bien que le seul intĂ©rĂŞt rĂ©side dans l’ordre oĂą ils seront tuĂ©s. Toutes les manipulations, formations de clans et trahisons sont Ă©ludĂ©s au profit d’une romance superficielle plutĂ´t que de l’exploration du contexte politique et mĂ©diatique plus prometteur (mais que nous aurons peut-ĂŞtre l’occasion de voir plus amplement dans les suites).
Toutefois, les 2h20 du film sont tout de mĂŞme bien dosĂ©e en rythme pour passer facilement et la prĂ©sence de Jennifer Lawrence n’y est sans doute pas Ă©trangère. La jeune actrice porte ici complètement le film sur ses Ă©paules et confirme tout le bien que l’on pense d’elle. Et heureusement car hormis Woody Harrelson (en mode barge attĂ©nuĂ©), les autres personnages ne marquent pas vraiment les esprits.
Loin de la niaiserie qu’on pouvait redouter du film pour ados, avec son propos intelligent Hunger Games n’est pas dĂ©nuĂ© d’intĂ©rĂŞt malgrĂ© sa maladresse et sa retenue. Mais c’est surtout la rĂ©alisation bancale de Gary Ross qui gâche le restant de potentiel du film en n’Ă©tant clairement pas l’homme idĂ©al pour ce type de projet qui demanderait moins de formatage et plus d’inspiration d’ambition et de savoir-faire dans la mise en scène.
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