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Culte du dimanche : Voyage au Bout de l’Enfer

posté le 20/10/2013

A l’occasion de sa projection exceptionnelle au festival Lumière de Lyon et de sa ressortie en salles ce 23 octobre, il était indispensable de revenir sur le premier chef d’œuvre de Michael Cimino, Å“uvre brutale sur les conséquences de la guerre du Vietnam, Voyage au Bout de l’Enfer.

A l’origine de l’histoire, il y a le scénario The Man Who Came to Play acheté par les producteurs Barry Spikings et Michael Deeley. L’histoire d’une bande de potes qui part à Las Vegas pour tenter leur chance à la roulette russe. Non, ce n’est pas Very Bad Trip avant l’heure mais le scénario a besoin d’un bon coup de pouce pour être retravaillé et approfondi. Alors que l’Amérique vient de s’embourber dans la Guerre du Vietnam, le réalisateur Michael Cimino, qui venait de se faire repérer avec un petit succès d’estime avec son premier film Le Canardeur joué et produit par Clint Eastwood, décide d’importer ce background dans l’histoire et d’approfondir la personnalité et les relations d’amitiés conflictuelles entre les personnages dans un récit de intimiste et ambitieux de 3 heures.

Le film se compose alors de 3 parties, débutant dans une petite ville survivant grâce à la classe ouvrière travaillant dans une sidérurgie. L’un d’entre eux va se marier et partira ensuite au Vietnam avec deux de ses amis. Cette première partie, assez longue, nous montre alors ce mariage et la partie de chasse qui s’en suit en détails et nous permet d’explorer pleinement toutes les relations qui se sont établies dans ce groupe d’amis, à la fois tendres et en même temps parfois atteintes d’une certaine tension. Le portrait de cette classe et de ces personnes qui sont le cÅ“ur de l’Amérique est très détaillé et touchant. Même si on peut trouver parfois le temps long en attendant que l’action prenne le pas, elle est indispensable pour saisir tout le voyage émotionnel dont va nous faire part l’auteur.

Le choc sera rude quand les 3 amis se retrouveront sans transition au Vietnam, capturés par des vietcongs qui les emprisonnent et les torturent en les faisant jouer à la roulette russe. Une épreuve terrible lorsqu’il se retrouvent face à face. Si ce segment central est important et déclenche le changement, c’est paradoxalement le plus court. Le réalisateur ne montre pas la guerre mais nous  plonge en quelques scènes dans son horreur et de ce qu’ont pu vivre les soldats avec une tension énorme. C’est donc leur retour dans leur bourgade qui sera le plus intéressant. Nous découvrons dans quel état ils sont rentrés meurtris, toutes leurs illusions perdues quand ce ne sont pas leur raison ou leurs membres.

En mettant en parallèle leur joie de vivre du début (avec une épée de Damoclès qui ne tardait pas déjà à faire sentir sa présence) et le retour difficile voir impossible de ces amis devenus des soldats méconnaissables (la partie de chasse d’après mariage et celle qui suivra la guerre n’ont plus la même portée), Michael Cimino dresse un portrait particulièrement âpre de la guerre et de ce retour difficile au foyer d’une classe ouvrière toujours ignorée du gouvernement, même lorsqu’elle se sacrifie pour lui. Sans jamais montrer la guerre, on reste ici concentré sur ses conséquences à un niveau intimiste mais qui peut être finalement élargi à toute une nation meurtrie et c’est bien le grand tour de force du film, noir, choc (les séquences de roulette russes sont dramatiquement intenses), triste, même si on décèle tout de même chez ces survivants une once d’espoir, même infime.

Voyage au Bout de l’Enfer est l’un des tous premiers film à traiter de la Guerre du Vietnam une fois celle-ci terminée et participe donc à son bilan plus que négatif pour les États-Unis. Malgré une polémique autour des scènes de roulette russe (la pratique n’était pas avérée), le film sera un succès critique et public représentatif de l’apogée du Nouvel Hollywood, permettant à Michael Cimino de remporter 5 oscars dont meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur acteur dans un second rôle pour Christopher Walken. Car c’est aussi un film de révélations. En effet, non seulement il confirme tout le bien que l’on pense du jeu investi de Robert De Niro mais en plus il révèle les talents de Christopher Walken et Meryl Streep ! Il n’en faudra pas plus alors au réalisateur pour avoir une liberté totale sur son prochain film encore plus pessimiste, La Porte du Paradis.

publié dans :Cinéma Culte du dimanche

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