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Culte du dimanche : M le Maudit

posté le 09/09/2012

Retour sur le premier film parlant de Fritz Lang et l’un des premiers psychopathes qui ont marquĂ© le cinĂ©ma avec M le Maudit, Ĺ“uvre lugubre qui va bien au delĂ  du thriller.

Si Fritz Lang a posĂ© toutes les bases de la science-fiction moderne avec le lĂ©gendaire Metropolis, c’est loin d’ĂŞtre son seul fait d’arme. Car peu de temps après, il nous prĂ©sente son premier film parlant : M le Maudit. Si il est encore peu Ă  l’aise avec la technique du son tout en en voyant bien l’intĂ©rĂŞt (l’air sifflĂ© par le tueur revenant comme un leitmotiv finira par provoquer un certain frisson), sa science du cadrage est toujours prĂ©cise mais surtout il dresse lĂ  le portrait d’une sociĂ©tĂ© qui commence Ă  dĂ©river. Car l’histoire est celle d’un meurtrier d’enfants qui va ĂŞtre poursuivit par les autoritĂ©s locales mais aussi par la pègre.

En commençant son film pas une comptine que chantonnent quelques gamines, le rĂ©alisateur donne Ă  M le Maudit un esprit de conte de Grimm qui est tout de suite accentuĂ© par le noir et blanc expressionniste. Alors que l’on ne voit dans la première partie le tueur que par jeux d’ombres, il fait office de grand mĂ©chant loup, de lĂ©gende urbaine qui arrive Ă  crĂ©er la terreur dans une ville sans nom. Le fait que le tueur siffle l’air de Dans l’antre du roi de la montagne ajoute d’ailleurs encore au cĂ´tĂ© folklorique de cette histoire horrifique.

Cependant le rĂ©alisateur va rapidement dĂ©passer cet aspect de conte horrifique sans mĂŞme aller du cotĂ© du thriller pour interroger directement la sociĂ©tĂ©. Car M le Maudit, rĂ©alisĂ© après la crise de 29, alors que l’Allemagne entre dans une pĂ©riode de fort chĂ´mage et dans une montĂ©e du nationalisme qui dĂ©bouchera sur le nazisme, parle dĂ©jĂ  des dĂ©rives et des maux de la sociĂ©tĂ©. Ainsi, la police peine Ă  retrouver le meurtrier et enchaine les rafles dans le milieu de la pègre (qui feront plus tard Ă©cho aux mĂ©thodes nazies). Celui-ci, excĂ©dĂ© et ne pouvant plus trafiquer va alors lui-aussi se mĂŞler de la traque du meurtrier en mettant toute la ville sous surveillance.
Et c’est grâce Ă  la pègre que le meurtrier sera arrĂŞtĂ© et rapidement condamnĂ© Ă  mort par un procès non Ă©quitable avec un jury de dealers rĂ©cidivistes sans morale. Il en faut de peu pour que la condamnation prenne effet et l’assassin exĂ©cutĂ©. Cela montre alors Ă  quel point les règles de la sociĂ©tĂ© sont faibles dès lors que l’on touche aux enfants et que l’on peut rapidement revenir Ă  certains instincts de vengeance sans chercher Ă  comprendre ce qui fait un meurtrier.

Ce meurtrier remarquablement campĂ© par Peter Lorre se montre d’ailleurs assez fascinant. Passant de l’ombre de la première partie Ă  la lumière de la seconde lorsqu’il est traquĂ©, il se rĂ©vèle, sous ses airs juvĂ©niles d’innocent apeurĂ©, bien plus complexe qu’il n’y parait. Ici l’assassin n’est pas montrĂ© comme un sauvage qui prend plaisir Ă  tuer. Au contraire, il a bien conscience du mal qui le ronge et l’oblige Ă  commettre des actes horribles et impardonnables. DĂ©fini comme un malade mental qui n’a pas conscience de ses actes lorsque la pulsion prend le dessus, le personnage Ă©chappe ainsi aux clichĂ©s et arrive mĂŞme Ă  transmettre une certaine compassion pathĂ©tique pour lui.

Avec une mise en scène impeccable et une histoire qui se rĂ©vèle Ă  chaque instant toujours plus fascinante, M le Maudit pose les bases d’un certain cinĂ©ma horrifique tout en nous prĂ©sentant le premier serial killer notable du cinĂ©ma. Mais il fait aussi un Ă©tat des lieux pas forcĂ©ment reluisant d’une sociĂ©tĂ© allemande prĂŞte Ă  s’abandonner et qu’il quittera rapidement pour Ă©chapper aux contraintes du nouveau rĂ©gime. Plus qu’un exercice de style M le Maudit est donc l’un de ces films qui marquent vĂ©ritablement un genre et mĂŞme plus.

publié dans :Cinéma Culte du dimanche

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