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Mademoiselle, critique

posté le 31/10/2016

Reparti de manière incomprĂ©hensible bredouille du Festival de Cannes, le nouveau film de Park Chan-Wook, Mademoiselle, est un formidable jeu de manipulation et d’amour, filmĂ© avec autant de sensualitĂ© que de psychologie. Sans doute l’un des plus grands candidats au statut de chef d’oeuvre cette annĂ©e.

Après son incartade aux USA avec l’Ă©tonnant Stoker, le rĂ©alisateur du cultissime Old Boy est de retour de CorĂ©e. Et inspirĂ© par le livre Du Bout des Doigts de la britannique Sarah Waters, il trouve lĂ  le sujet de son nouveau film, transposant cette histoire londonienne dans le cadre encore plus Ă©triquĂ© de l’occupation japonaise de la CorĂ©e pendant les annĂ©es 30. Une jeune fille devient la servante d’une riche japonaise recluse dans un manoir, presque prisonnière de son oncle qui veut se servir d’elle pour perpĂ©tuer la famille. Mais notre jeune servante est en rĂ©alitĂ© une arnaqueuse qui est lĂ  pour inciter l’hĂ©ritière Ă  se marier avec un autre homme. Le souci est qu’elle en tombe Ă©galement amoureuse … mais quels sont les sentiments les plus rĂ©els ? Et jusqu’oĂą va la manipulation ?

Pendant plus de 2h, le scĂ©nario Ă  tiroirs va se jouer de nous et nous allons beaucoup aimer cela. En mĂŞlant habilement suspense, amour, Ă©rotisme, nous avons lĂ  un jeu de manipulation sensuel entre les diffĂ©rents personnages dont l’issue est bouleversante. Ici, tout le monde finit par manipuler tout le monde pour notre plus grand plaisir et cela rĂ©vèle ainsi beaucoup de choses Ă  la fois sur les relations entre les diffĂ©rentes classes sociales mais aussi dans les rapports entre la CorĂ©e et le Japon, aucun ne pouvant se fier Ă  l’autre, et pourtant certains pourront peut-ĂŞtre s’entendre.

Evidemment, impossible d’en dire trop sur l’intrigue et ses rebondissement sous peine de vous gâcher le plaisir (et on en a dĂ©jĂ  peut-ĂŞtre trop dit d’ailleurs) mais le rĂ©cit nous tient sans mal en haleine  avec des changements de point de vue rĂ©gulier pour se redynamiser sans cesse et nous offrir toujours de nouvelles perspectives. C’est particulièrement intelligent et machiavĂ©lique.

Avec des comĂ©diens particulièrement inspirĂ©s pour entretenir en permanence le doute, Park Chan-Wook emballe son film sous un classicisme de surface pour mieux nous tromper et pour que les accès d’Ă©rotisme ou de violence en soient encore plus marquants, rĂ©vĂ©lant Ă  ces moments lĂ  tous les sentiments poussĂ©s dans leur retranchements par les personnages. Sans ĂŞtre aussi violent que d’habitude, le rĂ©alisateur reste alors fidèle Ă  lui-mĂŞme en assĂ©nant des vĂ©ritĂ©s qui peuvent dĂ©truire des personnages mais aussi en montrant des amours maudits et dĂ©vastateurs de la plus belle des manières.

A cela il convient de mentionner la beautĂ© formelle du film avec des plans et une lumière aussi magnifiques que le sont les costumes et les dĂ©cors. Mais le cĂ´tĂ© historique de cette reconstitution en semi-huis-clos ne va jamais Ă  l’encontre de l’histoire d’arnaque et de manipulation parfois malsain et souvent rempli d’amour que nous avons plaisir Ă  suivre. Bref, le rĂ©alisateur nous gratifie d’un film sublime et fascinant, sans doute l’un des plus beaux et mĂ©morables de l’annĂ©e.

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