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Big Eyes, critique

posté le 16/03/2015

Tim Burton revient avec Big Eyes, un film plus personnel, sans Johnny Depp, dans lequel il peut enfin nous raconter les frustrations qu’il a vĂ©cu ses dernières annĂ©es. Si c’est moins burtonnien dans la forme, le fond reste très intĂ©ressant pour capter les pensĂ©es du rĂ©alisateur.

On ne peut pas le nier, si on a grandit avec les films de Tim Burton, il nous a beaucoup déçu ses dernières annĂ©es avec une surdose de gothique commercial, de films de commande ou remake honnĂŞtes mais sans inventivitĂ© et de Johnny Depp et Helena Bonham Carter. Ainsi, de Sweeney Todd Ă  Dark Shadows en passant par Alice, on le voyait presque en train de venir soumis aux dĂ©sirs des studios, son art supplantĂ© par l’argent, Burton devenant presque une marque dĂ©posĂ©e. Mais il reste tout de mĂŞme au rĂ©alisateur quelques choses Ă  dire, et il peut le faire quand il s’aventure dans un cinĂ©ma un peu plus indĂ©pendant et, bizarrement, un peu plus acadĂ©mique.

Ainsi, sous la coupe des Weinstein, il s’attaque au biopic de Margaret Keane, la peintre  crĂ©atrice des cĂ©lèbres tableau d’enfants aux grand yeux qui s’est fait dĂ©rober son travail par son escroc de mari qui en a fait de son art une vĂ©ritable entreprise commerciale. Il n’est alors pas Ă©tonnant de voir Burton se pencher sur cette histoire tant cela Ă©voque ce qu’il semble avoir traversĂ© ses dernières annĂ©es, autant dans ses rapports avec Hollywood que son divorce avec Helena Bonham Carter.

Alors qu’il se calme Ă©normĂ©ment du cĂ´tĂ© de sa mise en scène très transparente et acadĂ©mique, loin des fulgurances oniriques qu’il a pu porter auparavant (d’ailleurs, si le nom de Burton n’Ă©tait pas au gĂ©nĂ©rique, nul doute que l’on ne se serait pas posĂ© beaucoup de questions sur l’identitĂ© du rĂ©alisateur), l’auteur glisse certains de ses thèmes fĂ©tiches dans le film de manière Ă  ce que seuls ses plus fidèles spectateurs puissent bien saisir tout ce qu’il raconte. Ainsi, impossible de ne pas voir dans les Ĺ“uvres de Margaret Keane une grande influence sur les dessins de Burton. Et lorsqu’il nous montre la peintre sĂ©questrĂ©e dans son grenier, on ne peut qu’y voir un incompris Edward aux Mains d’Argent effrayĂ© par le monde. Finalement, très discrètement, le film a tout ce qu’il faut de burtonien, dans son Ă©vocation de l’enfer de la banlieue ou le choix de ses acteurs qui auraient pu apparaĂ®tre dans bien d’autres films gothiques du rĂ©alisateur sans soucis.

Mais en plus de cette histoire qui se dĂ©roule comme on peut s’y attendre, sans grandes surprises, avec quelques petites longueurs mais loin d’ĂŞtre dĂ©sagrĂ©able, on y voit surtout la charge d’un Burton contre le système qui l’a exploitĂ© ces dernières annĂ©es. A travers Big Eyes il règle clairement ses comptes, nous racontant comme son art a Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ© par les producteurs pour en faire une machine commerciale, sans oublier ses rapports avec la critique. Un art et une identitĂ© très personnelle qu’il peine maintenant Ă  rĂ©cupĂ©rer et Ă  rendre authentique (d’oĂą certainement cette mise en scène très acadĂ©mique ici). Ce message en fait donc certainement l’un des films les plus personnels de Burton depuis Big Fish.

Avec une Amy Adams touchante et un Christoph Waltz qui ne change toujours pas de registre dans son jeu, Tim Burton réalise un biopic très classique et attendu dans sa forme mais qui porte dans le fond une patte plus authentique que ses derniers films à grand spectacle pour les studios.

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