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Night Call, critique

posté le 02/12/2014

Jake Gyllenhaal porte magistralement le cynique Night Call, vomissant notre société d’images chocs et sans morale ! Attention, c’est un film qui mettra mal à l’aise et qui rendra son personnage complètement détestable, et c’est bien pour ça que c’est horriblement excellent !

Après son double rôle troublant dans le labyrinthique Enemy, Jake Gyllenhaal est déjà de retour sur nos écrans pour endosser un rôle encore plus fou, le rôle qui lui vaudrait vraiment une nomination aux oscars bien méritée ! Car dans Night Call, écrit et réalisé par Dan Gilroy, l’acteur campe Lou, un personnage vivant en marge de la société, faisant son éducation sur internet et vivant de petits larcins dont la vie bascule lorsqu’il décide de devenir un chasseur d’images choc, de ceux qui s’empressent de se rendre sur les lieux d’accidents ou d’intervention policières pour capturer les images les plus choquantes possibles qui feront la une des JT locaux avides de faits divers plus sordides les uns que les autres. Il va ainsi vivre la nuit, à la poursuite de ses images afin de grimper les échelons d’une petite chaîne de tv, et il fera tout ce qu’il faut pour y arriver … absolument tout.

Si l’on a une impression étrange dès le début du film, comme si celui-ci pouvait s’écrouler à n’importe quel moment et devenir quelque chose de très dispensable, le personnage de Lou nous intrigue tout de même tout de suite et le récit nous amène petit à vouloir le suivre, non seulement pour voir comment il va pouvoir grimper les échelons mais aussi parce que le film, comme son personnage, gagne petit à petit en assurance (avec de belle scène à suspense et une séquence de course-poursuite vibrante), devenant alors particulièrement fascinant, tout autant qu’il devient de plus en plus rebutant avec des personnages qui se fond à chaque moment plus détestable.

A travers le portrait de Lou, le réalisateur montre bien toutes les dérives de notre société au cynisme ambiant que mêmes les images choc ne perturbent plus. Les personnes sont prêtes à tout pour faire sensation et gagner de l’argent et du pouvoir. L’humour noir le dispute ici à la révolte devant une société déshumanisée qui s’empare de Los Angeles où la loi et l’ordre ne sont rien face à l’attrait des images. La morale en est particulièrement rebutante. Dan Gilroy filme cela avec une certaine fascination (avec L.A. presque aussi bien filmé que dans un Michael Mann), nous questionnant ainsi sur ce que nous sommes devenus, perdant tout sens des valeurs, l’amitié, le respect et l’amour n’ayant ici plus aucun sens, les seuls ayant un semblant d’honneur étant renvoyés à leurs pénates.

Il faut dire que tout cela passe par le personnage que l’on ne peut s’empêcher de détester et pourtant qui nous fascine, de Lou Bloom. Il est tout ce que la société tend à devenir et nous renvoie à notre statut de voyeur cynique, le reflet le plus sombre et noir de nos villes. Jake Gyllenhaal l’interprète avec une force et une désinvolture qui font littéralement froid dans le dos à chaque fois que nous en apprenons plus sur ses motivations et ce qu’il est prêt à faire. Il dépasse même le statut de simple personnage pour devenir une icône comme a pu l’être Travis Bickle de Taxi Driver, illustrant bien le malaise de notre société. Avec l’appui d’une René Russo presque aussi horrible que lui, Jake Gyllenhaal est véritablement magistral, faisant ressortir autant de fragilité que d’obsession et de dérangement, sans aucun doute l’un de ses rôles les plus intenses et l’un des personnages qui feront l’année cinéma.


Night Call (dont le titre original Nightcrawler est encore plus explicite sur la sournoiserie rampante du film) est donc l’un de ces films qui risquent bien de rester en tête longtemps après la vision, à la fois par le choc de ses propos cyniques et anti-morale, et par la silhouette de son personnage principal. Une fascination qui hante et nous font dire qu’il s’agit bien là de l’un des films les plus détestable (dans le meilleur sens du terme) de l’année, et donc avec l’une des meilleures performances d’acteur. Rendez-vous aux oscars !

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