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Culte du dimanche : Mysterious Skin de Gregg Araki

posté le 12/10/2014

Après l’explosif Kaboom, Gregg Araki revient au cinĂ©ma avec le plus poĂ©tique White Bird. L’occasion pour le culte du dimanche de revenir sur son film le plus abouti, choquant et bouleversant : Mysterious Skin.

Dans les annĂ©es 90, avec sa trilogie de l’apocalypse adolescente (Totally F***ed Up, The Doom Generation et Nowhere), Gregg Araki Ă©tait volontiers considĂ©rĂ© comme un cinĂ©aste indĂ© assez barrĂ©, hyper sexuĂ© et peut-ĂŞtre assez artificiel. Une image qui va complètement changer quand il sortira ce qui sera surement son film de la maturitĂ©. En effet, il aura fallu attendre 5 ans avant de voir son nouveau film. Un dĂ©lais qui montre qu’il a bien pris le temps qu’il fallait pour travailler Ă  l’adaptation du roman de Scott Heim, Mysterious Skin, abordant un sujet plus que dĂ©licat, la pĂ©dophilie et ses consĂ©quences sur les enfants qui en ont souffert.

En effet, Mysterious Skin raconte comment deux gamins ont Ă©tĂ© abusĂ©s par l’entraĂ®neur sportif du coin. Nous les retrouvons quelques annĂ©es plus tard et alors que l’un se prostitue, l’autre a tout oubliĂ© et cherche Ă  comprendre ce qu’il s’est passĂ©. Deux enfants meurtris, qui ne peuvent plus trouver de repères ou vivre normalement.

Le sujet est particulièrement difficile, choquant, et pourtant, contrairement Ă  ce que l’on pourrait penser, Gregg Araki prend suffisamment de recul dessus pour refuser tout sensationnalisme. Il va se concentrer avant tout sur les Ă©motions plutĂ´t que sur le jugement. En effet, il est conscient que le sujet est assez grave pour ne pas donner une leçon supplĂ©mentaire au pĂ©dophile. Il reste alors assez neutre sur ses actes pour se concentrer surtout sur les consĂ©quences que cela engendre sur les enfants (c’est finalement ce dont on parle le moins dans les mĂ©dias contrairement au retentissements qui sont faits autour des auteurs de ces actes). En recentrant le rĂ©cit sur ces deux adolescents, il arrive donc Ă  faire passer son message sur la destruction intime qu’ils vivent.

Il faut dire qu’il met Ă©galement en scène son sujet de manière très sensible, parfois poĂ©tique, appuyĂ© par la musique atmosphĂ©rique de Harold Budd et Robin Guthrie ainsi que par la photo bleutĂ©e de Steve Gainer, l’ambiance est souvent proche du rĂŞve Ă©veillĂ© qui vire au cauchemar lorsque la violence crue atteint le jeune Neil qui touche le fond. Cette ambiance irrĂ©elle permet de supporter le choc de ce qui est racontĂ©. Avec une certaine distance, parfois de la pudeur, d’autre fois des scènes violentes qui font mal, Araki trouve le ton juste pour rendre tout cela accessible et pour comprendre la psychologie tourmentĂ©e de ses personnages  après les traumas complexes par lesquels ils sont passĂ©s.

MenĂ© par un jeune Joseph Gordon-Levitt qui fait preuve d’un charisme et d’un talent immense dans un rĂ´le particulièrement difficile (une vĂ©ritable rĂ©vĂ©lation), le film bĂ©nĂ©ficie Ă©galement de l’interprĂ©tation sans failles des autres comĂ©diens enfants comme adultes. Tous sont au service de ce rĂ©cit bouleversant.

Peu de mots peuvent finalement reflĂ©ter toutes les Ă©motions que l’on peut Ă©prouver Ă  la vision de Mysterious Skin, entre la rĂ©volte, le choc, la tristesse de ces deux destins brisĂ©s. On en ressort forcĂ©ment bouleversĂ© pour très longtemps. Rarement un film sur le sujet n’a touchĂ© de manière aussi juste pour nous faire rĂ©flĂ©chir. Il restera alors Ă  jamais le film le plus abouti, sensible et bouleversant d’un rĂ©alisateur Ă  l’apogĂ©e de son cinĂ©ma.

publié dans :Cinéma Culte du dimanche

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