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Rencontre : I Am & Wolverine

posté le 28/06/2013

Un article un peu spĂ©cial aujourd’hui puisque AnaĂŻs de Critique Film, plus connue sous le pseudo twitter de @AnaBerno a pu rencontrer rien que pour nous le groupe I Am dont le titre Marvel sera au gĂ©nĂ©rique du film Wolverine : le Combat de l’Immortel Ă  venir !

C’est désormais officiel, c’est bien la chanson « Marvel » du groupe de rap français IAM qui servira de bande-originale au prochain film Wolverine : le combat de l’immortel, dans nos salles le 24 juillet. La nouvelle bande-annonce est également disponible et révèle un film qui s’annonce plein d’action et de super-héros sur fond de conflit japonais.

On savait les marseillais fans de la culture asiatique et fans de l’univers Marvel depuis l’époque de l’Ecole du micro d’argent, mais la nouvelle peut en surprendre certains…surtout ceux qui ne connaissent le groupe que par « Je danse le MIA ».

Afin de comprendre cette collaboration atypique, nous avions pu rencontrer certains membres du groupe présent dans le paysage musical français depuis 25 ans, et de passage à Paris, pour leur poser quelques questions. De façon très simple, drôle et toujours engagée, les poètes de la rue ont évoqué en vrac leur amour pour les comics depuis leur plus jeune âge, leur envie de continuer à travailler dans le cinéma, leur aversion pour la variété française et nos politiciens, l’élitisme culturel français, leur écriture du nouvel album Arts Martiens et quelques petites anecdotes croustillantes, notamment une qui concerne leur ami Omar Sy qui sera à l’affiche du prochain X-Men…

Comme d’habitude, sans langue de bois mais dans le calme et la sagesse qui les caractérisent, IAM s’exprime avec humour sur des sujets qu’ils maitrisent depuis toujours.

Quel est le point commun entre Wolverine et le groupe IAM ?

Akhenaton : Le point commun c’est réellement Shurik’n qui a depuis plus de 20 ans le nom de scène originel « Serval » qui est le nom français de Wolverine. D’ailleurs dans notre clip « L’empire du côté obscur » on le voit sortir ses griffes comme Wolverine à un moment, et pourtant le clip date de 96, bien avant les films Marvel. Donc nous retrouver sur ce projet de bande-originale pour le Combat de l’immortel c’est un rêve d’enfant qui se réalise pour nous, lecteurs de comics, et surtout pour Shurik’n, fan de Wolverine.

Comment s’est faite  cette collaboration entre vous et la Fox pour Wolverine ?

Imhotep : Au départ c’est surtout une question de hasard. Nous avions déjà écrit « Marvel » en octobre 2012 pour l’inclure dans notre nouvel album Arts Martiens. Nous ne savions même pas que le film se tournait. A la sortie de l’opus en avril, il est tombé dans les mains d’Olivier de la Fox qui a remarqué que nous parlions de Wolverine dans la chanson « Marvel » et que l’imagerie globale de l’album se situait au Japon. On nous a alors proposé d’utiliser la chanson pour le film, nous n’avons même pas hésité une fraction de seconde avant de dire oui. Une semaine après, nous tournions déjà le clip.

Akh : On était très heureux, c’est un rêve de gosse. Et de garçon surtout ! Quand on nous a fait cette proposition tous mes souvenirs de moi à 10 ans en train de lire mes Spécial Strange me sont revenus. Donc c’est une très belle surprise.

Qu’est-ce qui vous a attiré le plus dans cette collaboration ? Le côté cinéma, le côté comics, ou le côté arts japonais que vous appréciez ?

Imhotep : Un peu tout ça, même si au départ nous ne savions pas encore une fois que ça servirait au film. C’était plus une analogie entre nos supers pouvoirs de supers rappeurs  et un côté humoristique lorsque l’on se lance dans l’égo trip qui devient en l’occurrence un héros trip sur cette chanson. C’est une technique de rap, sorte de clash dans lequel on se provoque verbalement pour essayer de remporter l’adhésion du public, tout en restant ludique. Parce qu’en vrai, on ne se prend pas pour des super-héros !

Akh : Voilà, à l’origine cette chanson remonte à la tradition de la battle dans le rap. C’est quelque chose de sain, pas fait pour s’insulter, un héritage de la tradition africaine et qui a donné une fois sur disque ce qu’on appelle la technique de « l’égo trip », ce qu’on fait sur « Marvel ». Mais plutôt que de faire de l’égo trip classique, on a voulu se faire plaisir en imaginant être des super héros et parlant en leur nom. Surtout que de cette façon le public ne pouvait pas prendre notre clash au sérieux. Cela nous permet de prendre du recul avec cette pratique bizarrement toujours un peu mal vue en France contrairement au rap US. C’est un travail technique en réalité, basé sur des rimes à l’intérieur même de nos phrases sur 6 ou 7 pieds, c’est difficile à écrire.

Imhotep : Et en l’occurrence, dans ce héros trip, nos ennemis sont les vilains chanteurs de variété ! Le genre de chanteurs à prénom qui chantent seuls avec une guitare nylon que vous reconnaitrez. Mais on vise aussi les DJ d’électro, pas tous évidemment, mais ceux qui ne font rien d’autre que de tripoter le bouton des graves et des aigus de temps en temps…

Vous auriez pu faire ce titre sur un autre héros Marvel ?

Akh : Bien sûr ! Par exemple Galactus des 4 fantastiques, mais on ne le voit pas beaucoup. D’ailleurs je le cite dans la chanson…Mais si un jour j’ai la chance de réaliser un film pour Marvel ce serait La Panthère Noire, ce roi africain qui endosse un costume magnifique dans des décors superbes. Puis c’est surtout un des rares héros Marvel qui avait sa BD perso. En général, Spécial Strange regroupait Dardevil, X-men, Star Wars, etc alors que la Panthère Noire avait la sienne.

Ce n’est pas la première fois que vous utilisez l’univers fantastique dans vos musiques, on se souvient surtout de l’album « Ecole du micro d’argent » pour cela !

Akh : Exactement. Pour ceux qui connaissent les Spécial Strange toujours, il y avait les épisodes de Star wars qui étaient publiés après les X-MEN. Donc quand nous avons fait « L’empire du côté obscur » c’était certes une référence au Star Wars du cinéma mais aussi à l’influence des BD. Nous sommes très rattachés aux super-héros et super-vilains, sorte de mythologie moderne. L’humanité a toujours eu besoin de se créer des héros pour y croire, les anciens Dieux sont un peu dépassés, voilà les nouveaux.

Justement, Akhenaton vous avez déjà réalisé 2 films, est-ce que cette chanson est l’occasion pour vois de revenir dans ce milieu ?

Akh : Je n’ai jamais abandonné le milieu en réalité. J’ai fait quelques BO comme pour « Nid de Guêpe », un téléfilm en 2008 avec Roschdy Zem et Oxmo Puccino…Pascal (Imhotep) a lui aussi fait plusieurs musiques de film, donc on y reste étroitement liés. Par contre il est clair que j’ai très envie de retourner à la réalisation oui. Certains réalisateurs m’inspirent beaucoup comme Tarantino, Scorcese ou Ben Affleck qui m’a beaucoup surpris avec « The Town » et « Argo » que j’adore.

Ben Affleck…même dans Daredevil ?

Akh : (rires) Effectivement, Daredevil n’est pas le plus réussi des films Marvel ! Je n’ai pas aimé en tout cas. Daredevil est un personnage très sombre, tout le temps dans l’ombre dans la BD, très torturé, dépressif, c’était inévitable. Un film sur ce personnage ne peut pas être très commercial. Je suis beaucoup plus un fan des films X-Men, notamment du 2ème que j’adore. J’espère que le 3 sera bien, avec mon ami Omar Sy dedans ! Je lui ai même envoyé un sms quand j’ai appris la nouvelle pour l’insulter de jalousie ! Le jeu dans notre groupe depuis ça est de deviner quel rôle Omar pourrait jouer. Et comme en général, à part dans Thor et son gardien des portes noir, les américains respectent les particularités physiques des personnages, nous pensons qu’il pourrait jouer l’ennemi des X-Men qui s’appelle l’équarisseur. Omar ne me dira jamais si c’est bien ça, parce que tout est très contrôlé ! Mais j’y crois vraiment car je me souviens de mon amie Leïla Bekhti qui elle aussi avait été pressentie pour interpréter un petit personnage des X-men, une française d’origine algérienne, Monet Saintecroix car elle lui ressemblait beaucoup physiquement. Puis pourquoi pas avoir des super héros français, ça nous changerait de nos super zéros…

En tout cas vous avez l’air de vous y connaître en super héros !

Akh : Parce que le rêve est primordial. En France, on parle systématiquement de choses négatives, alors que le rêve est important pour la construction mentale des plus jeunes. S’ils ne devaient prendre exemple que sur des hommes qui existent, quels seraient leurs modèles ? Des pros de l’évasion fiscale et des magouilles ? On a besoin d’honnêteté. Et c’est pour ça qu’on aime parler de tous ces rêves dans nos textes.

Justement, on peut établir un parallèle très net entre votre nouvel opus et  « l’Ecole du micro d’argent » sorti pourtant en 1994. C’est volontaire?

Imhotep : Malheureusement les problèmes que l’on dénonce depuis 1994 ne sont toujours pas réglés en 2013, donc les sujets sont récurrents. Puis les ressemblances entre les 2 viennent aussi de la façon dont on a enregistré les Arts Martiens, dans des conditions quasi similaires à l’enregistrement de l’Ecole du Micro d’argent. On avait un temps très réduit, un peu la pression, et nous avons travaillés tous ensemble dans un même studio contrairement aux 2 albums précédents où nous étions chacun dans nos studios à différents endroits du monde. Nous avons été beaucoup plus réactifs et plus collectifs sur cet album. De plus, nous avons également mixé Arts Martiens avec le même ingénieur que pour l’Ecole, Prince Charles, et il a amené l’album à un niveau supérieur.
Ce n’est pas la première fois qu’on nous fait remarquer cette ressemblance d’album, mais il est vrai aussi que nos thèmes sont toujours d’actualité  et nous nous sentons toujours concernés en tant que citoyens du monde par ces soucis.

Akh : D’ailleurs pour faire un parallèle avec le cinéma et le film The town de Ben Affleck, quand on écoute bien « Sombre manœuvre » sur notre dernier album, on lie les paroles avec ce film. Quand j’ai découvert cette histoire il y a quelques années, je voulais écrire une chanson sur cette paranoïa et la jalousie. Comme quoi des films, comme des BD peuvent aussi être à l’origine de l’écriture de nos chansons ! Mais dire qu’une boucle se boucle avec Arts Martiens est très important pour nous.  D’ailleurs nous finirons par un concert en plein New-York bientôt avec Rakim, le rappeur qui a le plus influencé notre écriture…

Vous êtes bien connus désormais dans le monde entier ?

Akh : Les gens connaissent au moins l’Ecole du micro d’argent, qui a beaucoup voyagé oui. L’an dernier nous avions joué aux Etats-Unis avec Faf Larage dans un petit club et il y avait avant tout des américains. Pareil lors de notre concert en Thaïlande l’an dernier, il y avait une majorité de thaïlandais dans la foule (6000 personnes), ça nous a fait très plaisir.

Imhotep : Là-dessus, notre longévité est un avantage. Les gens qui connaissent le rap et en écoutent depuis longtemps sont presque obligés de nous connaître, au moins de nom. Après tout ça fait 25 ans que nous sommes dans le paysage musical ! On a réussi à durer et laisser notre empreinte.

Quel regard portez-vous sur le rap d’aujourd’hui d’ailleurs ?

Akh : Il y a de tout. Du bon et du moins bon. Mais il y a de nouveaux des petits jeunes qui refont attention aux sons et à l’écriture. Hier je regardais le clip de Flint avec Orelsan que je trouve très bon. Clip infaisable pour nous, sinon nous aurions 18 procès ! Et pour moi ce genre de clip est 10 fois plus créatif que toute la variété réunie ! Le rap a encore de belles choses à proposer, même s’il est vrai qu’il a proposé des choses minables.

Imohtep : Disons que malheureusement après les années 90, le rap a connu le succès commercial d’abord aux Etats-Unis puis en France, ce qui a donné lieux à des dérives et à l’appauvrissement du genre comme à chaque fois que quelques chose est récupéré commercialement. Cela va de pair avec l’uniformisation du genre et au matraquage unique sur les radios. Ce qui n’a pas empêché le rap de continuer à être créatif et très diversifié. Mais tout cela n’est pas connu du grand public car ça ne passe pas en radio. En France nous avons toujours le même problème : nous avons une seule radio « dédiée » au rap, j’insiste sur les gros guillemets, et nous n’avons pas de média pour faire connaître le rap français. Il faut aller bien fouiller sur Internet…

Akh : C’est toujours le problème des régies publicitaires qui imposent leurs playlists en radio, et qui méprisent le rap car elles considèrent que les auditeurs de rap n’ont pas d’argent, donc ne consomment pas, donc ne méritent pas un passage pour de la grande écoute. Alors que si l’on regarde surtout le style américain, on réalise que c’est l’inverse, le hip hop a débouché sur un business énorme, notamment vestimentaire.

Mais le problème ne vient-il pas aussi des chansons anglaises qui prennent le succès et l’espace des chansons françaises?

Akh : Peut-être mais heureusement nous avons des quotas français chez nous. Même si quoi qu’il en soit, à variété équivalente je préfère écouter du Adèle que de la varièt française…

Imhotep : Au-delà des quotas et des langues, nous nous sommes battus il y a quelques années sur une radio de service publique, le Mouv’ pour ne pas la citer, pour qu’elle représente un peu plus dans son panel de diffusion le reggae, le hip hop, les musiques orientales de création française, et c’est arrivé ! Il a fallu lutter un peu, mais avant ça on écoutait des groupes de rock français qui chantaient en anglais alors qu’on ne pouvait pas entendre un rappeur français sur le Mouv’. Dieu merci ça change encore, mais il y a une sorte d’élitisme culturel en France qui voudrait que certaines musiques ne soient pas diffusables sur des grands médias nationaux. Il y a encore des barrières à faire tomber face aux œillères françaises. Nous, on est prêts à écouter nos musiques sur RTL 2 ou d’autres radios sans soucis.

Akh : En plus nous ne voulons pas entendre uniquement nos musiques, nous sommes pour la vraie variété, pas pour l’avariété…

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