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Y, le Dernier Homme

posté le 11/10/2012

Y, le Dernier Homme est certainement l’une des bandes-dessinées « post-apocalyptiques » les plus intéressantes de ces dernières années. Un petit bijoux rempli de drame et d’humour signé Brian K. Vaughan et Pia Guerra simplement indispensable. Et ça tombe bien, car après les 10 tomes parus chez Panini, Urban Comics réédite la série à partir du 26 octobre.

Des récits post-apocalytpique, on en a vu et lu maintenant des dizaines. Et si Walking Dead fait clairement partie du haut du panier, nombreux sont les ersatz qui ne font que copier et surfer sur la mode dans un but uniquement mercantile sans saisir toute la portée du ce genre d’univers. Entre les motards qui ont trop regardé Mad Max et les zombies, infectés et autres créatures de la nuit, on tombe souvent rapidement dans les clichés fantastico-horrifiques sans répondre aux questions, sans vraiment même y réfléchir avec des personnages clichés.

Heureusement, il reste encore quelques auteurs qui vont savoir composer avec les éléments classiques de ce type de récit mais vont réussir à y intégrer une véritable originalité et une réflexion intense sur notre société sans forcément chercher le sensationnel. Avec Y le Dernier Homme, Brian K. Vaughan en fait clairement partie. Et pour cause puisque son univers post-apocalyptique n’est remplit que de femmes. En effet, une épidémie a mystérieusement décimé toute la population mâle de la Terre ! Toute sauf un jeune homme, appelé Yorick Brown, et son singe, Esperluette. Sous la protection de l’Agent 355, il va tenter de retrouver sa petite amie et surtout, il va remonter aux origines du mal qui a frappé.

La réussite de Y le Dernier Homme ne tient en fait à pas grand chose. D’une part, le scénariste arrive tout de suite à créer un univers réaliste, complet et complexe et d’autre part, il écrit des personnages auxquels nous nous attachons tout de suite, le tout servi par le trait fin et clair de Pia Guerra qui n’alourdit pas le propos. L’auteur a bien étudié les conséquences d’un tel fléau. Ainsi, puisque la plupart des techniciens étaient des hommes, il n’y a plus de transports, l’industrie ne fonctionne plus, …
D’un autre côté, sans hommes, il n’y a plus de reproduction possible et il ne faudra que peu d’années avant que l’espèce ne s’éteigne. Alors les femmes vont trouver de nouvelles croyances, ne nouveaux buts dans leurs vies. L’auteur n’hésite d’ailleurs pas sur certains numéros à s’écarter un temps des héros pour apporter un éclairage sur des personnages secondaires rencontrés brièvement ou pour montrer tout simplement la vie des femmes dans ce nouveau monde.

En entrant dans un monde composé uniquement de femmes, dans lequel tous les hommes ont disparu, on aurait pu se dire que la sauvagerie qui est le propre de l’homme aurait disparu avec lui. Mais ce n’est pas le cas et les femmes se révèlent tout aussi redoutables que leurs défunts maris. Militaires, terroristes, dealeuses meneuses de gangs, des rôles forts habituellement tenus par les hommes son repris ici avec une réflexion souvent très juste. Car Vaughan ne va pas verser dans le féminisme facile. Au contraire, il tente ici de montrer un équilibre des sexes et leur complémentarité, ce qui est bien plus difficile à écrire avec justesse et il le réussit parfaitement.

Cette sensation est aussi due grâce au traitement très personnel qu’il réserve aux personnages. Yorick, dernier espoir de l’humanité, n’est à aucun moment le héros que l’on pourrait croire, il n’est qu’un être humain normal, un peu geek sur les bords, se prenant rarement au sérieux, parfois lâche et stupide ou naïf, mais avec un vrai cÅ“ur, sincère et une volonté énorme. Un pendant parfait à la froideur de l’Agent 355 qui l’escortera jusqu’au bout du voyage et à l’aspect scientifique de l’histoire apporté par le Dr Mann. Les interactions entre les 3 personnages sont remplies de naturel, de tendresse et d’humour (les réflexions et références pop de Yorick sont d’ailleurs de véritables bouffées d’air frais). Mais ils ne stagnent jamais et chaque étape, chaque rencontre va les faire évoluer et chacun va s’ouvrir aux autres, si bien que si l’on enlève un membre de ce trio, les choses risquent fort de mal tourner.

Malgré toute cette qualité d’écriture et cette observation passionnante d’un monde dirigé par les femmes, Y a tout de mêmes quelques petits défauts, en particulier lorsqu’il s’agit d’apporter des réponses aux grosses questions. Ainsi, la raison de la survie de Yorick n’est pas très sérieuse et les origines du fléau ne semblent pas très crédibles. Mais ce ne sont que des détails et des passages obligés pour créer cet univers qui invite à bien plus de réflexion sur notre société, sur l’éthique scientifique, sur certains dilemmes militaires et politiques mais aussi sur les choix personnels.

Sur 60 numéros, Brian K Vaughan réussit en plus à maintenir un rythme efficace et constant avec des rebondissements parfois prévisibles mais toujours prenants et formidablement construits pour donner des réponses au fur et à mesure et faire le tour complet de son nouveau monde. Loin des clichés superficiels des récit post-apo habituel, Y le Dernier Homme est donc sans conteste l’une des variations du genre les plus complètes et intéressantes et donc les plus indispensables à lire.

publié dans :Comics Critique Comics

  1. Q
    11/10/2012 à 10:59 | #1

    Est-ce que l’agent 355 n’a pas influencé le personnage de Michonne dans Walking Dead? (black, masculine, froide, utilisant un katana, etc…)

  2. FredP
    11/10/2012 à 14:56 | #2

    @Q les séries ayant été publiées à peu près en même temps, je pense que Vaughan et Kirkman se sont un peu influencés l’un l’autre. D’autant plus qu’on voit bien qu’ils ont leurs plans bien définis à l’avance sur leurs séries.