Mud, critique

posté le 26/05/2012

Jeff Nichols arrive dans la cour des grands pour conclure le Festival de Cannes avec un film qui explore encore certains mythes américains avec une grande justesse émotionnelle. Son Mud ne repartira peut-être pas avec un prix du palmarès mais restera assurément dans le cœur de ses spectateurs.

RĂ©vĂ©lĂ© l’annĂ©e dernière avec un prix de la critique Ă  Cannes pour son magnifique Take Shelter, Jeff Nichols revient cette fois en compĂ©tition officielle. Une belle promotion pour celui qui arrive Ă  dĂ©peindre les travers de l’AmĂ©rique profonde avec une puissance Ă©motionnelle que seuls quelques rares auteurs amĂ©ricains arrivent Ă  trouver. Pour son 3e film, il s’oriente moins sur l’Ă©motion ou la portĂ©e politique mais va toujours plus loin dans le thème de la famille en s’intĂ©ressant Ă  deux enfants qui vont se lier d’amitiĂ© avec un fugitif.

Des histoires se dĂ©roulant du point de vue de l’enfant dĂ©couvrant le monde des adultes, nous en avons vu des dizaines. Mais Jeff Nichols y imprime tout de suite son empreinte particulière avec un attachement sincère pour ses personnages et une mise en scène qui coule naturellement pour dĂ©livrer un film touchant, dont on ne ressort pas bouleversĂ© et qui ne renouvelle pas le genre mais l’Ă©pouse Ă  merveille.

Dans Mud, le rĂ©alisateur retrouve ici l’une de ses principales prĂ©occupations : la famille. Il en parlait dans Take Shelter, il continue ici en s’intĂ©ressant de plus près aux conflits entre le jeune Elis et ses parents et entre le lien affectif qu’il crĂ©Ă© avec le mystĂ©rieux fugitif Mud. A travers cela, il dresse toujours un portrait des États-Unis que nous avons peu l’occasion de voir, l’AmĂ©rique profonde, populaire et campagnarde mais de manière profondĂ©ment humaine et avec le regard innocent des enfants sans jamais ĂŞtre niais.

On aurait pu penser que le rĂ©alisateur allait s’orienter vers la menace de ce personnage remplit de mystère (ce qui aurait pu donner un thriller avec pas mal de caractère) mais ce ne sera finalement pas le cas. Mud n’est pas un film noir ou violent. Il se regarde plutĂ´t comme une fable sur l’enfance et l’amour Ă  destination des adultes. Car c’est aussi d’amour que le film parle, que ce soit Ă  travers l’origine de la fuite de Mud ou dans la dĂ©couverte des sentiments d’Elis pour l’une de ses camarades. Mais, ils vont l’apprendre chacun de leur cĂ´tĂ©, les histoires d’amour, toujours remplies d’espoir, ne se finissent pas toujours bien et sont parfois difficiles Ă  gĂ©rer.
Par ces thèmes, Mud devient donc un conte tendre sur l’apprentissage des sentiments et incite Ă  la confiance qui devrait se dĂ©velopper entre les amĂ©ricains pour mieux vivre ensemble.

Pour illustrer cette histoire, Jeff Nichols colle au plus près de ses personnages et en particulier d’Elis tout en gardant une mise en scène pleine de naturel, magnifiant les paysages et en y apportant cette touche purement « american way of life » portĂ©e par une bande-son qui colle parfaitement Ă  l’ambiance du milieu dĂ©crit. D’ailleurs, le rĂ©alisateur fait aussi preuve d’une superbe direction d’acteurs. Outre son acolyte Michael Shannon qu’il emploie ici dans un rĂ´le très secondaire, il donne une rĂ©elle consistance Ă  un Matthew McConaughey attachant, qui change agrĂ©ablement de ses rĂ´les oĂą il n’est employĂ© que pour son physique, et Ă  Reese Witherspoon qui illumine ici la petite ville de sa prĂ©sence mĂ©lancolique. Mais celui qui va nous bluffer, c’est le jeune Tye Sheridan. RĂ©vĂ©lĂ© dans the Tree of Life, il interprète avec force un Ellis dans la dĂ©couverte des sentiments (amour, trahison, amitiĂ©, …) et s’impose comme l’un des jeunes acteurs Ă  suivre de très près, en particulier si il choisit encore des cinĂ©astes de cette trempe.

Si Mud n’atteint as la force Ă©motionnelle du prĂ©cĂ©dent film de Jeff Nichols, il se rĂ©vèle nĂ©anmoins assez riche et touchant pour nous emporter. Avec une justesse et une sincĂ©ritĂ© rares, nous tenons peut-ĂŞtre pas la palme du festival de Cannes, mais certainement l’un de ses plus beaux coups de cĹ“ur.

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