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A l’occasion de sa sortie en blu-ray, nous revenons aujourd’hui sur le film culte et choc de Ruggero Deodato, Cannibal Holocaust.

En 1979, la sortie de Cannibal Holocaust en Italie est un véritable choc. Non pas que son réalisateur Ruggero Deodato ai ici inventé le film de cannibales mais c’est de par son traitement radical, sans concessions, que viennent le malaise et les foudres de la justice avant même sa sortie internationale.

Ainsi, nombre de rumeurs alimentent l’aura trash du film, la plus insistante d’entre elles étant bien sûr la supposée mort réelle des acteurs durant le tournage qui feraient passer le film pour un snuff-movie. Morts qui n’ont effectivement pas eu lieu (le réalisateur le démontrera en faisant ressortir les acteurs de leur silence contractuel), mais il n’en est pas de même pour les animaux malheureusement réellement massacrés sur le tournage. Le film se voit alors censuré. Ce n’est que le début d’une carrière étrange qui verra le film interdit dans plus de soixante pays et/ou classé X ou interdit aux moins de 18 ans dans sa version censurée dans de nombreux autres. Rien de tel pour entretenir l’image du film le plus controversé de l’histoire du cinéma. Mais qu’en est-il réellement maintenant ? et ce supposé carnage est-il tout de même utile à une réflexion ?

Oublions un peu la controverse (vous pourrez tout lire sur la censure du film sur bien des sites) pour parler du film. Pour ceux qui ne s’y seraient pas intéressés, il se divise en deux parties. Dans la première, un professeur part à la recherche d’une équipe de reporters qui a disparu au cÅ“ur de l’Amazonie. Sur son chemin, il rencontrera une tribu cannibale à laquelle il va se lier pour récupérer les films des journalistes. Puis, dans la seconde partie, nous visionnons les images filmées par les reporters, loin d’être des saints lors de leur rencontre avec ces tribus primitives. Cette construction permet au spectateur de s’immerger ainsi doucement dans l’univers sans concessions du film. Le premier choc intervient lorsque l’on découvre les mÅ“urs violentes de la tribu au travers de la torture abominable que fait subir un autochtone à sa femme supposément coupable d’adultère avant de la tuer. Le message est clair, le film sera un choc et ce n’est pas prêt de s’arrêter.

Mais cette première partie qui nous immerge dans la jungle et nous fait comprendre les coutumes des tribus locales, leur modes de vie, tout en nous faisant découvrir le cannibalisme qui n’est pas gratuit pour ces indiens mais est simplement ancré dans leur mode de vie primitif. C’est dans la seconde partie que tout se gâte. Les jeunes reporters partis en excursion, et dont nous découvrons les images, n’ont rien d’enfants de coeur. Ainsi, du massacre d’une tortue pour se nourrir dans la jungle (scène éprouvante car il s’agit là d’un véritable animal) au viol d’une autochtones par les 3 reporters mâles en passant par le feu qu’ils mettent au camp, on ne peut pas dire que les journalistes soient très respectueux des tribus locales et ils vont bien sûr le payer de leur vie.

Le véritable choc ne vient pas forcément des scènes montrées qui aurait pu être grand-guignolesque sous la caméra d’un auteur avide de gore au second degré. Non, le choc vient surtout de la manière de filmer de Ruggero Deodato qui réalise ici un film quasi documentaire qui prendrait presque le spectateur en otage devant la crudité des images. C’est d’ailleurs parce que les massacres d’animaux sont réels que nous n’avons plus de mal à imaginer que ce qui arrive au acteurs peut l’être tout autant. Les scènes de viol, de démembrement, … sont plus réalistes que jamais et personne n’oubliera d’ailleurs l’image de cette femmes empalée sur un pieu vertical. La musique étrange, tantôt oppressante, tantôt rêveuse ajoute d’ailleurs encore au décalage et au malaise vécu par le spectateur à la vision du film.

Mais le choc n’est pas gratuit pour Deodato qui fait passer par Cannibal Holocaust un message très dur sur ce qu’il pense de notre société dite « civilisée » mais qui n’a aucun respect envers les autres peuples soit disant primitifs. Mais c’est aussi une critique sur ce que sont devenus les journalistes sans arrêt en quête de sensationnalisme pour appâter les foules. Jusqu’où peut-on alors filmer la guerre et les révoltes sans rien faire ? Où est passée l’éthique de la presse ? Voilà quelques questions qui sont abordées ici de manière peut-être trop radicale ou maladroite (pourquoi dénoncer la violence des images que nous voyons au quotidien au JT par une violence encore plus crue ?) mais qui ont au moins le mérite d’être posées pour lancer le débat.

Plus qu’un film trash où le cannibalisme ne serait qu’un prétexte au sensationnalisme, Cannibal Holocaust est donc une Å“uvre choc qui pose certaines questions sur la nature de l’homme et sur le rôle de l’information. Aujourd’hui, la puissance du film ne s’est pas amoindrie et les questions évoquées restent plus que jamais d’actualité. Bien qu’il ait à l’époque relancé le film de cannibale, sous-genre horrifique qui s’est vite essoufflé, le film d’horreur doit surtout à Deotato cette idée du faux documentaire repris aujourd’hui à tout va (Blair Witch n’en est que l’exemple le plus éloquent) avec ses codes (la caméra tombant à la fin) mais pas toujours pour le meilleur. Quoi qu’on dise et qu’on puisse en penser, Cannibal Holocaust reste donc non seulement le film choc le plus controversé du cinéma mais aussi une Å“uvre posant quelques question en plantant un genre.

PS : Le film intégral est donc disponible en bluray remarsterisé par Ruggero Deodato himself pour une image impeccable qui garde cet aspect documentaire plus réaliste que jamais. Il est agrémenté d’un documentaire d’une heure sur le film à base d’interviews, de la conférence de presse récente de Deodato et d’une interview intéressante de Julien Seveon sur le film et sa portée.