Culte du dimanche : la Couleur Pourpre de Steven Spielberg
Avec la sortie immanquable de Ready Player One, on devait bien consacrer un nouveau culte du dimanche Ă un film de Steven Spielberg. Et comme nous avons fait le tour de ses plus grands divertissements, autant nous pencher sur l’un de ses films qui a marquĂ© une nouvelle Ă©tape dans sa carrière : La Couleur Pourpre.
Après avoir alternĂ© deux rencontres extra-terrestres et deux aventures d’Indiana Jones, Steven Spielberg, roi du box office et tout nouveau papa sent qu’il a besoin d’autre chose dans sa carrière. C’est ainsi qu’au milieu des annĂ©es 80 il prend une toute nouvelle direction, celle d’un cinĂ©ma plus acadĂ©mique et sĂ©rieux, Ă la portĂ©e sociale importante.
Il se penche alors sur une adaptation du roman rĂ©compensĂ© par le prix Pulitzer, La Couleur Pourpre d’Alice Walker. On y suit donc, au dĂ©but du XXe siècle, la vie d’une femme noire dans le sud des Etats-Unis et ses dĂ©boires liĂ©s Ă sa fonction sociale presque inexistante, d’un père qui abusait d’elle Ă un mari violent en passant par un manque d’Ă©ducation.
La première héroïne féministe de Spielberg
Fille solitaire après avoir Ă©tĂ© presque revendue Ă un mari violent et Ă©loignĂ©e de sa sĹ“ur, Celie s’inscrit complètement dans le registre des enfants perdus de Spielberg et il n’est donc pas Ă©tonnant de voir le rĂ©alisateur s’y intĂ©resser. Pendant plus de deux heures, nous nous intĂ©ressons donc Ă cette fille meurtrie et qui doit grandir Ă©loignĂ©e du monde, prisonnière de son statut qui la rabaisse sans cesse.
Cependant, il est plus Ă©tonnant que le rĂ©alisateur s’intĂ©resse Ă un personnage fĂ©minin, lui qui a toujours Ă©tĂ© concentrĂ© sur des hĂ©ros masculins. Non pas que les femmes soient relĂ©guĂ©es Ă de la figuration (Marion et dans Indiana Jones ou la mère d’Eliott dans E.T. sont de vraies hĂ©roĂŻnes), mais ce n’est pas une de ses habitudes. Et cette fois, non seulement il va Ă©tudier la progression de Celie mais il va l’entourer de femmes fortes comme la belle-sĹ“ur Sofia ou la chanteuse Shug, donnant alors un vrai pouvoir aux femmes face Ă des hommes qui ne sont que violence et n’avancent pas.
L’espoir avant la violence
Cependant, si le parcours de Celie est vraiment touchant, le rĂ©alisateur reste tout de mĂŞme assez pudique sur les sĂ©vices qu’elle subit chaque jour. En effet, Spielberg, Ă©ternel optimiste et toujours rĂŞveur, n’est pas ancrĂ© dans une phase de maturitĂ© oĂą il peut filmer la violence dans tout ce qu’elle a de plus dur. On sent qu’il n’ose pas encore aborder la question et qu’il prĂ©fère s’intĂ©resser Ă l’espoir (la quintessence mĂŞme de tout le cinĂ©ma de Spielberg) permanent d’une vie meilleure. Un effet accentuĂ© par la photographie superbement travaillĂ©e et presque onirique d’Allen Daviau plutĂ´t que par la musique sobre de Quincy Jones (l’une des rares infidĂ©litĂ©s du rĂ©alisateur Ă John Williams).
Avec une mise en scène toujours travaillĂ©e pour raconter son histoire sans s’ennuyer et surtout une excellente direction d’acteur, rĂ©vĂ©lant Whoopi Goldberg et donnant des prestations les plus intenses de Danny Glover et Oprah Winfrey, la Couleur Pourpre est donc une première incursion intĂ©ressante de Spielberg dans le cinĂ©ma engagĂ© et sĂ©rieux, commençant Ă aborder les thĂ©matiques d’injustice qu’il explorera de manière plus convaincante par la suite.
Un insuccès qui reste intéressant
Toutefois, cet essai ne sera pas forcĂ©ment saluĂ© par tout le monde. Tout d’abord il est assez mal vu qu’un juif blanc porte ce film sur la condition de femmes noires, malgrĂ© toute la bonne volontĂ© qu’il peut avoir. Et puis, il y a un vĂ©ritable changement par rapport Ă l’entertainer qui a l’habitude de cĂ´toyer le grand public et qui dĂ©livre ici un « film d’auteur » plus intimiste. Toutefois le film sera tout de mĂŞme prĂ©sent dans les grandes cĂ©rĂ©monies et si il ne dĂ©crochera pas d’Oscar malgrĂ© ses 11 nominations, Whoopi Goldberg recevra tout de mĂŞme un Golden Globe bien mĂ©ritĂ© pour lancer sa carrière.
Encore aujourd’hui assez peu mis en lumière, la Couleur Pourpre est donc intĂ©ressant pour dĂ©couvrir comment est nĂ© le cĂ´tĂ© engagĂ© du cinĂ©ma de Spielberg qui, mĂŞme lorsqu’il est emprunt de dĂ©fauts, reste toujours passionnant Ă suivre.
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