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Le 37e Cinemed fait le plein d’émotions

posté le 07/11/2015

Comme on vous en avait déjà parlé, @JM_Siousarram allait faire un tour au 37e Festival du Cinéma Méditerranéen (aka Cinemed). Et bien celui-ci s’est terminé le 31 octobre et notre jeune reporter peut donc vous raconter tout ce qu’il y a vu et vécu.

« Todo bem » pour Cinemed, qui a vu sa très réussie 37e édition balayer tous les doutes qui pouvaient s’être amoncelés au-dessus du deuxième plus gros festival du sud de France après l’utilisation du sobriquet « année de transition » par Philippe Saurel, président de Montpellier Méditerranée Métropole, un des principal mécène de l’événement. L’autre étant la Région Languedoc-Roussillon, elle aussi naviguant dans des eaux troubles avec l’avènement du redécoupage territorial prochain, le doute pouvait se lire dans les yeux toujours gouailleurs du facétieux Henri Talvat, président de Cinemed. Un flou entretenu par l’absence d’un directeur officiel du festival depuis le départ de Jean-François Bourgeot, une des ses figures fortes, et toujours pas remplacé. Mais « Todo bem », finalement.

Emmené par la même équipe forte depuis des années, et guidé par son nouvel homme fort, Christophe Leparc, directeur artistique, le festival du film méditerranéen n’aura pas connu le coup de mou escompté, bien au contraire. Multipliant les points forts avec son ouverture aux nouveaux médias, un photocall officiel, un président de Jury charismatique à souhait en la personne de Roschdy Zem, une marraine glamour tout juste auréolée à la Mostra de Venise, Valeria Golino, des avant-premières populaires ou encore une soirée totalement festive autour de Tony Gatlif, Cinemed est définitivement entré dans les festivals qui comptent, et même plus que ça, nécessaires.

Et surtout un grand « Todo bem » pour le cinéma portugais à travers Montanha, première réalisation de Joao Salaviza après huit court-métrages, qui remporte le 37e Antigone d’or du meilleur film, récompense suprême de Cinemed. A travers ce parcours initiatique du jeune David dans un Lisbonne, terre d’errance et d’apprentissage, Roschdy Zem et son jury ont tenu a récompensé un cinéma solaire, beau et profondément humain. Le réalisateur d’Omar m’a tuer a d’ailleurs fortement insisté sur la maturité de son interprète, David Mourato, capable de nous faire ressentir ce que peu peuvent donner à travers sa fougue, sa jeunesse et son insouciance. Une victoire qui s’associe au choix extrêmement judicieux de Cinemed de braquer ses projecteurs sur cette nouvelle vague lusitanienne très prometteuse réunie autour du surdoué Miguel Gomes. La projection de son chef d’oeuvre total, Tabou, à l’opéra Berlioz sous fond de gémissements venus des balcons et qui électrisera l’audience aussi perdue que les protagonistes crapahutant au Mozambique, ainsi que sa Masterclass donnée le lendemain, auront été des highlights extraordinaires pour vanter les mérites du cinéma méditerranéen à travers ce beau pays qu’est le Portugal.

Les nombreuses rencontres effectuées cette semaine sont aussi un des grands points forts du pourquoi ce festival doit vivre et survivre à toutes les tempêtes. Autant de punchlines, d’anecdotes, d’envies et de convictions, c’est si rare mais nécessaire quand on ouvre son micro à des réalisateurs qui défendent tous en commun cette envie de vivre ensemble pour s’enrichir de notre mosaïque méditerranéenne et ce malgré les différences économiques, sociales, ethniques ou religieuses qui régissent l’ensemble. Cela avait commencé avec la crème de la crème des jeunes comédiens hexagonaux, Tahar Rahim et Adèle Exarchopoulos, venus défendre avec tout le naturel qu’on leur connait Les Anarchistes. Puis que ce soit les vétérans Carlos Saura, qui s’est battu contre le Franquisme, et Tony Gatlif, fervent défenseur de la cause gitane, ou Miguel Gomes, qui crache sur la crise économique financière actuelle à travers ses Mille et une nuits, ou les débutants, Rebecca Cremona, première femme réalisatrice maltaise avec Simshar qui traite du drame de l’immigration, les frères Palestiniens Nasser, qui ironise sur le malaise à Gaza, ou encore Mélanie Laurent qui incendie nos modes de vie consuméristes à travers son documentaire malin Demain; tous véhiculent une énergie folle qui fait plaisir à voir dans un événement cinématographique.

Si on ajoute à cela quelques bijoux esthétiques à la narration totalement maitrisé tel Dolanma, du Turc Tunc Davut, véritable personnalité à suivre absolument, ou Trois fenêtres et une pendaison, du Kosovar Isa Qosja, prix de la Critique, on adjoint l’utile à l’agréable, ou quand le fond et la forme servent au mieux le 7e art. Cinemed, ce n’était pas que des sujets plombants, loin de là, il suffisait d’aller faire un tour à la compétition court-métrage, concoctée comme chaque année par la brillante Michelle Driguez, pour se rendre compte de l’explosivité en terme de créativité qu’il y a sur tous les bords de la Méditerranée. La séance dédiée au Comédie Club a été elle aussi une belle réussite sur le plan du divertissement. Le tout rejoignant parfaitement le Prix du Public décerné au très bon feel-good movie de Farid Bentoumi, Good luck, Algeria, porté par Sami Bouajila et Franck Gastambide, tous deux très drôles et touchants à la fois dans cette histoire surréaliste du premier skieur algérien à faire les JO. Autre feel-good movie très réussi également, le premier film de Kheiron, Nous trois ou rien, doté d’un casting hilarant, de répliques qui claquent et surtout d’un humanisme très bien venu.

L’avant première de Suburra, le nouveau polar venu d’Italie par Stefano Sollima, a indubitablement été un de mes gros coups de coeur de cette édition. Sous ses airs de clip maitrisé cumulant les clichés sur la corruption transalpine, on avance dans une intrigue fleuve n’épargnant aucune couche de la société romaine jusqu’à un crescendo final digne des meilleurs films de gangster sauf que nous sommes en face de l’élite politique italienne. Puissamment servi par la musique du Frenchy M83. Un uppercut. Comme celui asséné dans un autre style par le duo Cyril Dion et Mélanie Laurent, venus nous montrer leur documentaire à charge, Demain, contre les dégâts occasionnés par nos sociétés du Nord, et plus intéressant encore, les moyens que certains pays du Nord ont déjà mis en place pour se sortir de ce cheminement inéluctable vers la catastrophe. Un moment fort de ce Cinemed qu’on pourrait résumé par cette phrase de Mélanie Laurent : « Demain est un film qui met les pays les plus industrialisés devant la merde qu’ils ont foutu ». L’écharpe rouge vif de ce cher Henri Talvat n’aurait jamais trouvé aussi jolies épaules autres que les siennes pour y siéger.

Du rire aux larmes, on pourra dire que le 37e Cinemed aura amplement rempli sa tâche et bien plus encore, continuant de jouer de rôle pédagogique de trait d’union entre les peuples de la Méditerranée. A l’image de cette photo déjà culte de la fête faite à Tony Gatlif où un gitan danse aux côtés d’une pile électrique roumaine, Rona Hartner, d’une de ses muses belgo-marocaine, Lubna Azabal, d’une autre muse italienne, Asia Argento, le tout en entourant la bonhommie inimitable d’un président Talvat au septième ciel. Cette fin de soirée au temple de la nuit montpelliéraine, le Rockstore, ouvre sans doute la voie vers ce Cinemed nouveau voulu par messieurs Saurel et Leparc ; un festival à l’image de sa ville, prolixe, jeune, dynamique et furieusement ancré dans son époque et son environnement, la Méditerranée.

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