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Tabou, critique

posté le 24/07/2012

tabou critique

Après avoir fait sensation Ă  Berlin, Tabou Ă©tait prĂ©sentĂ© au Festival Paris CinĂ©ma. Revue d’un film romanesque d’antan qui n’a plus sa place dans le cinĂ©ma d’aujourd’hui, ce qui le rend d’autant plus intĂ©ressant.

Les premières images peuvent dĂ©concerter. Avec Tabou, Miguel Gomes utilise un format que l’on n’avait plus vu depuis belle lurette au cinĂ©ma : le 4/3 noir et blanc presque muet. Vous allez me dire qu’il y a eu The Artist l’annĂ©e dernière. C’est vrai mais Gomes utilise ces contraintes et ces choix artistiques d’une toute autre manière. L’action commence de nos jours Ă  Lisbonne, Pilar et une femme de mĂ©nage doivent subir le caractère infernal d’Aurora. Au moment oĂą celle-ci dĂ©cède, elles vont en apprendre plus sur son passĂ© en Afrique Coloniale.

Cette longue introduction a de quoi plomber l’ambiance, d’autant plus que le personnage de Pilar dĂ©velopper ici est complètement inintĂ©ressant et n’aura aucun impact sur la suite du rĂ©cit. Nous allons ainsi connaitre tout le quotidien de cette vieille femme pour finalement le jeter aux oubliettes et ne plus s’en soucier quelques minutes plus tard. Car ce que Miguel Gomes va raconter, c’est une grande, belle et tragique histoire d’amour comme on n’en fait plus.

C’est Ă  ce moment lĂ  que la forme (qui correspondait vraiment très peu Ă  l’introduction et donnait l’impression d’un exercice de style sans intĂ©rĂŞt) prend toute sa cohĂ©rence. Clairement inconsciemment bercĂ© par certaines des plus belles histoires romanesques du cinĂ©ma, Miguel Gomes nous raconte donc la rencontre entre Aurora et Ventura. Une histoire difficile, une romance qui n’aurait pas du avoir lieu entre une femme mariĂ©e et un musicien enquĂŞte de gloire, le tout dans le contexte exotique de l’Afrique coloniale. Comme une histoire d’amour oubliĂ©e dans une pĂ©riode historique elle aussi oubliĂ©e, nous nous retrouvons dans des souvenirs d’une Ă©poque perdue. Et le format particulier utilisĂ© par le rĂ©alisateur, rendant son film proche du style documentaire ou du roman photo avec narrateur ne fait qu’ajouter au devoir de mĂ©moire que provoque le film tout en lui confĂ©rant une sensibilitĂ© rare.

Tabou est ainsi l’œuvre tĂ©moin d’une conception perdue de l’amour. Une histoire intense entre deux personnages forts traitĂ©s avec distance par le rĂ©alisateur, une histoire tragique qui nous fait ensuite rĂ©flĂ©chir sur l’introduction que l’on croyait inutile. Bien, sĂ»r, il sera possible de rester hermĂ©tique Ă  Tabou qui n’est pas spĂ©cialement facile d’accès si l’on n’est pas prĂ©parĂ© ou si l’on n’est pas spĂ©cialement dans l’humeur que le film provoque et l’ennui peut arriver dès la première partie pour ne pas en sortir (on pourra mĂŞme rire quand le rĂ©alisateur dit que cette histoire d’amour signe le dĂ©but d’une rĂ©volution coloniale, fait qui arrive comme un cheveu sur la soupe). Mais avec le recul on se rend bien compte que Miguel Gomes dĂ©livre un très beau film, un superbe tĂ©moignage sur l’amour mais aussi la libertĂ© d’une Ă©poque rĂ©volue sans jamais ĂŞtre complaisant avec le colonialisme qui reste seulement une toile de fond.

Selon sa sensibilitĂ©, il faudra donc apprivoiser Tabou mais quoi qu’il arrive, Miguel Gomes touche une corde sensible qui nous touchera et nous fera rĂ©flĂ©chir sur l’amour et les souvenirs qu’il provoque.

publié dans :Cinéma Critiques ciné

  1. 21/12/2012 Ă  04:21 | #1

    Certes, une histoire d’amour d’antan. Mais surtout, un exercice thĂ©orique fascinant. Tabou joue avec les codes du cinĂ©ma jusqu’à confondre le medium et son sujet dans une interrogation mĂ©taphysique sur le temps qui passe et qu’on aimerait figer.