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Culte du dimanche : Lolita

posté le 24/06/2012

Retour sur l’un des premiers films polĂ©miques de Stanley Kubrick sur les pulsions et dĂ©sirs d’un homme : Lolita.

Après une expĂ©rience Hollywoodienne avec Spartacus, Stanley Kubrick prĂ©fère s’isoler pour tourner son prochain film en toute indĂ©pendance. Et pour cause puisque son nouveau projet est l’adaptation du très controversĂ© Lolita de Vladimir Nabokov. Ne voulant pas s’attirer les foudres des mĂ©dias puritains amĂ©ricains ni la main mise des studios sur son travail, il Ă©crit le scĂ©nario avec l’auteur en changeant plusieurs points, notamment en attĂ©nuant la dimension sexuelle du roman, en plaçant la scène finale du livre en ouverture du film, en donnant 3 ans de plus Ă  Lolita (qui passe de 12 Ă  15 ans) mais aussi en donnant un rĂ´le bien plus important Ă  un personnage secondaire qui sera interprĂ©tĂ© par Peter Sellers.

Si Lolita est aujourd’hui entrĂ© dans le langage courant, ce n’Ă©tait pas le cas dans les annĂ©es 60 et c’est bien le roman et le films qui sont Ă  l’origine de son utilisation et de sa signification. Car l’œuvre raconte l’histoire du professeur Humbert louant une chambre chez une veuve esseulĂ©e. Rapidement il tombe sous le charme de la fille orpheline et va mĂŞme jusqu’Ă  Ă©pouser sa mère pour rester Ă  ses cĂ´tĂ©s. Bien consciente du manège qui se trame, la gamine va jouer avec les nerfs d’Humbert.

En adaptant le livre sulfureux de Nabokov, on pouvait s’attendre Ă  un drame Ă©rotique mais Kubrick va prendre une toute autre direction, laissant tomber la narration Ă  la première personne (qui ne sera reprise qu’Ă  certains passages, lorsque Humbert Ă©crira son journal intime) et surtout adoptant finalement un ton plutĂ´t chaste pour privilĂ©gier la satire sociale et un portrait grinçant de la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine et de son puritanisme de façade. Ainsi, le rĂ©alisateur n’hĂ©site pas Ă  prendre le ton de la comĂ©die et Ă  jouer avec les dĂ©sirs de son hĂ©ros pathĂ©tique pour nous montrer une AmĂ©rique bien plus volage qu’elle ne voudrait le croire. Une veuve prĂŞte Ă  sauter sur le premier homme qui s’aventure chez elle, un homme devenu figure paternelle dĂ©vorĂ© par le dĂ©sir interdit, jeune fille en fleur flirtant avec le dĂ©sir .. tout cela entraine mort et perdition.

Mais en plus de mettre l’AmĂ©rique face Ă  ses contradictions avec un cynisme mordant, le rĂ©alisateur dresse aussi le portrait d’un homme complexe, dĂ©vorĂ© par le dĂ©sir charnel, la passion et l’interdit. A ce titre, James Mason se montre particulièrement brillant, jouant Ă  la fois sur la façade adorable et paternelle d’un homme pourtant Ă©goĂŻste et pathĂ©tique. Le plus intĂ©ressant est mĂŞme de remarquer Ă  quel point le personnage de Quilty (campĂ© par l’inĂ©narrable Peter Sellers) est aussi une certaine forme de sa conscience moralisatrice l’empĂŞchant de passer. De simple rival en fin de roman, il devient donc une composante multi-facette du personnage de Humbert dont l’omniprĂ©sence intrigue sans cesse.

Si Kubrick a largement diminuĂ© la dimension Ă©rotique du matĂ©riau original, le dĂ©sir n’en est pas moins prĂ©sent et cette tension occupe en permanence l’esprit de Humbert et donc du spectateur. Le rĂ©alisateur, sans le montrer est provocant mais de manière subtile, sans dĂ©monstration, seulement Ă  travers quelques gestes, regards et surtout intentions. Mais cette discrĂ©tion peut aussi provoquer l’effet inverse et presque faire de Lolita un rĂ©cit moralisateur en ce sens oĂą les personnages qui vont succomber au pĂŞcher seront punis soit par la mort ou par la loi. Mais cela ne nuit pas Ă  l’intĂ©rĂŞt du film qui nous offre une vision bien diffĂ©rente de la banlieue amĂ©ricaine biensĂ©ante.

MalgrĂ© les prĂ©cautions prises par le rĂ©alisateur, le film crĂ©Ă© le scandale outre atlantique et sera censurĂ© par la critique. Le rĂ©alisateur est Ă  deux doigts de regretter d’avoir tournĂ© le film, d’autant plus que les critiques sont partagĂ©es, entre ceux qui ne retrouvent pas l’Ă©rotisme du roman et les autres outrĂ©es par le propos du film. Il faudra des annĂ©es avant que le film ne se fasse sa place. Mais cela n’empĂŞche pas la jeune Sue Lyon d’obtenir un Golden Globe pour sa prestation aux cĂ´tĂ©s de James Mason et Peter Sellers. Quand Ă  Stanley Kubrick, il poursuivra sa foulĂ©e cynique avec Docteur Folamour.

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