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Culte du dimanche : Kagemusha, l’ombre du guerrier

posté le 11/03/2012

En plein festival du film asiatique de Deauvillle, il Ă©tait bien logique de consacrer un culte du dimanche Ă  un film japonais lĂ©gendaire d’un rĂ©alisateur qui ne l’est pas moins. IntĂ©ressons-nous donc Ă  Kagemusha, l’ombre du guerrier d’Akira Kurosawa.

Akira Kurosawa est bien plus qu’un rĂ©alisateur, c’est une vĂ©ritable lĂ©gende pour le cinĂ©ma japonais, un icĂ´ne sur laquelle bon nombre de rĂ©alisateurs basent leur vision, si bien qu’il est l’un des rares Ă  avoir traversĂ© les frontières continentales après la seconde guerre mondiale (notamment avec les Sept SamouraĂŻs). Reconnu dans le monde entier, il sera mĂŞme allĂ© aux États-Unis pour avoir les fonds nĂ©cessaires aux tournages toujours plus ambitieux de ses films. Mais malgrĂ© un talent jamais dĂ©menti, après la dĂ©bâcle de Tora ! Tora ! Tora ! qu’il laissera aux mains de rĂ©alisateurs moins expĂ©rimentĂ©s, les annĂ©es 70 lui seront difficiles et il lui faudra toute l’adoration d’un autre cinĂ©aste pour l’aider Ă  rĂ©aliser son prochain film.

L’histoire est connue, George Lucas est un grand admirateur du travail d’Akira Kurosawa et ne se cache pas de s’ĂŞtre inspirĂ© de la Forteresse CachĂ©e pour la narration du premier Ă©pisode de Star Wars. Profitant de sa nouvelle influence Ă  Hollywood, le crĂ©ateur de Dark Vador va travailler la 20th Century Fox au corps avec l’appui de son ami Francis Ford Coppola pour que le rĂ©alisateur puisse mettre enfin en scène son nouveau projet : Kagemusha, l’Ombre du Guerrier.

L’histoire se dĂ©roule dans le Japon fĂ©odal du XVIe siècle. 3 clans se disputent le pouvoir dont le clan Takeda dirigĂ© par Shingen. Gravement blessĂ© lors du siège du château de Noda, il ordonne Ă  ses vassaux de dissimuler sa mort pendant trois ans afin de ne pas affaiblir son clan. Entre temps, son frère Ă  trouvĂ© un double parfait qui pourra alors prendre la succession du chef de clan Ă  sa mort pour maintenir l’illusion. Mais ce double, ancien voleur, aura-t-il les Ă©paules pour porter ce lourd fardeau ? le pouvoir va-t-il lui monter Ă  la tĂŞte ? Et comment va-t-il dĂ©jouer les manipulations de son fils et des clans adverses pour le faire tomber ? Autant de questions sur lesquelles le cinĂ©aste va s’interroger pendant plus de 2h30 (pour la version occidentale).

Si l’on peut voir Kagemusha comme une grande fresque guerrière et Ă©pique menĂ©e de main de maĂ®tre par Kurosawa dont les batailles filmĂ©es au plus prĂŞt des soldats à  l’assaut des citadelles et les marches sur fond de ciel enflammĂ© restent en mĂ©moire, ce n’est pourtant pas l’intĂ©rĂŞt du film. En effet, comme dans de nombreux drames shakespeariens qui ont rĂ©gulièrement inspirĂ© le rĂ©alisateur, le contexte guerrier ne sert que de dĂ©cor pour  mieux parler de la psychologie du kagemusha. L’introduction intimiste composĂ©e d’un simple plan fixe presque filmĂ© Ă  la bougie donne ainsi le ton du film. Avec un trucage discret, Shingen y fait la connaissance de son futur double qui lui est prĂ©sentĂ© par son frère.

Kagemusha est ainsi avant tout une histoire sur le pouvoir et les Ă©paules nĂ©cessaires pour l’exercer. On le voit ici, le kagemusha va devoir porter ce rĂ´le et totalement s’oublier pendant 3 ans afin que le clan Takeda survive Ă  cette guerre. Une responsabilitĂ© Ă©norme qui tombe d’un seul coup sur la tĂŞte de cet ancien voleur.  Si il y a d’abord la difficile tâche de se faire accepter comme le chef de clan de retour de la guerre (par la famille, les femmes et les gĂ©nĂ©raux, les protocoles Ă  apprendre, …), la suite n’en sera pas moins facile.
D’un cĂ´tĂ©, il va se prendre au jeu et profiter des avantages du pouvoir mais d’un autre il devoir faire face Ă  des machinations qui n’en finissent pas pour le dĂ©masquer. Sans compter que le fantĂ´me de Shingen sera toujours dans ses pensĂ©es (c’est d’ailleurs brillamment illustrĂ© de ce rĂŞve Ă©trange composĂ© comme une peinture vivante) pour lui rappeler son rĂ´le primordial dans ce conflit. Évidemment, le kagemusha sera un jour dĂ©masquĂ© … alors Kurosawa s’intĂ©ressera mĂŞme au consĂ©quence que cela aura sur son esprit une fois dĂ©possĂ©dĂ© de ce qui le caractĂ©risait depuis la mort de Shingen.

Finalement, Akira Kurosawa signe ici un grand film Ă©pique mais surtout intimiste. Son personnage principal n’a pas de dimension hĂ©roĂŻque et reste ainsi beaucoup plus proche de l’esprit du spectateur, l’entrainant avec lui dans ce Japon mĂ©diĂ©val en pleine guerre. Ces caractĂ©ristiques font de Kagemusha un chef d’œuvre couronnĂ© par la Palme d’Or au festival de Cannes 1980 et surtout un accueil critique et public qui lui permet de renouer avec le succès.

publié dans :Cinéma Culte du dimanche

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