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Culte du dimanche : Taxi Driver

posté le 15/05/2011

taxi driver culte

Festival de Cannes avec Robert De Niro en prĂ©sident du jury oblige, revenons sur la palme d’or de Martin Scorsese qui vient de sortir en blu-ray : Taxi Driver.

taxi driver afficheAprès une première collaboration fructueuse sur Mean Streets, les routes de Martin Scorsese et Robert De  Niro commencent Ă  mener vers le succès. Alors que le premier rĂ©alise dans la foulĂ©e Alice n’est plus ici, le second obtient un oscar du meilleur second rĂ´le pour sa performance dans Le Parrain II. Grâce Ă  leur renomĂ©e ascendante, les producteurs demandent au duo de se pencher sur le scĂ©nario de Paul Shrader, Taxi Driver. Devant l’intensitĂ© de l’histoire, Scorsese et De Niro s’investissent alors pleinement.

A première vue simple vigilante movie, Taxi Driver est en fait bien plus que cela. Ici Travis Bickle est un soldat qui rentre du Viet-Nam et plonge peu Ă  peu dans les enfer de son âme. Insomnies, solitude renforcĂ©e, et besoins refoulĂ©s le conduisent peu Ă  peu dans la folie jusqu’Ă  ce qu’il croise une jeune prostituĂ©e de douze ans qu’il va dĂ©cider de sauver, comme sa seule rĂ©demption possible. Ce n’est donc pas seulement une simple histoire de vengeance et de justice personnelle qui anime le personnage mais un mal-ĂŞtre permanent, bien reprĂ©sentatif d’une gĂ©nĂ©ration enragĂ©e par cette guerre du Vietnam.

Car si elle n’est jamais montrĂ©e, c’est bien de cette guerre et de ces dĂ©sillusions dont il est question ici. Le personnage de Travis est si marquĂ© par ce qu’il a vĂ©cu et cette Ă©viction qu’il est mentalement dĂ©sĂ©quilibrĂ© et va se placer lui-mĂŞme en marge de la sociĂ©tĂ©. Robert De Niro arrive ici Ă  parfaitement retranscrire toute la solitude et le mal qui ronge son personnage tout en exprimant une rage Ă  faire frissonner. La scène que tout le monde a retenu du film (le culte « You talkin’ to me ? » face au miroir) et passĂ©e Ă  la postĂ©ritĂ© est Ă©videmment la plus reprĂ©sentative dans la plongĂ©e dans la folie du personnage. Mais cette folie est bien comprĂ©hensible par le public qui ressent aussi difficilement le rejet de Travis par Betsy qu’il ne peut que cautionner son attitude vis-Ă -vis de la jeune Iris. On notera d’ailleurs Ă©galement participation au casting d’Harvey Keitel qui retrouve donc De Niro après Mean Streets mais surtout la rĂ©vĂ©lation de Jodie Foster qui, si elle n’en est pas Ă  son premier film (Scorsese venait justement de la diriger sur Alice n’est plus ici Harvey) doit composer Ă  12 ans le rĂ´le d’une jeune prostituĂ©e qui se satisfait plutĂ´t bien de sa position.


En plus de la performance de Robert De Niro, il y a aussi l’esprit dĂ©sespĂ©rĂ© qui habite les Etats-Unis Ă  cette pĂ©riode qui est parfaitement retranscrit dans le rĂ©cit de Paul Shrader et la mise en scène de Martin Scorsese. Avec la fin de la guerre du Vietnam, le Watergate et le choc pĂ©trolier (et un second imminent), le flower power a laissĂ© sa place Ă  une rage latente et une souffrance muette qui ressurgissent pleinement dans Taxi Driver et qui prĂ©figure dĂ©jĂ  ce qui va arriver dans les annĂ©es 80. Ici Scorsese nous fait errer de nuit avec le taxi de Bickle dans un New-York poisseux oĂą règne la perversion et l’inhumanitĂ©, comme si la ville n’Ă©tait remplie que d’âmes Ă©garĂ©es. Le rĂ©alisateur reste accrochĂ©s Ă  son personnage et nous montre la ville telle qu’il la voit, sous son jour le plus noir et violent. Le seul rayon de soleil qui y vivait a disparu (Betsy) et Iris reste donc le seul espoir de renaissance d’un homme mais aussi d’un système en pleine dĂ©chĂ©ance, jusque dans un final sanglant d’une rare violence, autant physique que psychologique.

Bien plus qu’un simple vigilante movie Ă  la Dirty Harry ou Death Wish, Taxi Driver exprime tout le mal-ĂŞtre d’un pays. RĂ©vĂ©lant toute la rage qui sous-tendait dĂ©jĂ  Mean Streets et qui se poursuivra dans la filmographie de Scorsese et De Niro (Raging Bull entre autres), Taxi Driver se fait le porte-parole d’une AmĂ©rique de la nuit purement ignorĂ©e. Son influence se fera bien sentir dans les annĂ©es 80 au cinĂ©ma mais aussi dans d’autres domaines comme le comic-book. Impossible en effet de ne pas penser au Rorschach de Watchmen, celui-ci Ă©tant aussi taciturne que Travis Bickle et voyant en New-York les mĂŞmes maux qui mettent Ă  mal la sociĂ©tĂ© (prostitution, trafics, violence …) et en les rĂ©glant de la mĂŞme manière. Le parallèle avec les super-hĂ©ros vus par Alan Moore ou Frank Miller n’est d’ailleurs pas fortuit puisque sont personnage immensĂ©ment torturĂ© peut bien faire penser Ă  Bruce Wayne dans son heure la plus sombre (le taxi Ă©tant sa batmobile) ou Ă  un certain Moon Knight.

Quoi qu’il en soit, la rĂ©ception de Taxi Driver sera unanime. Le public sera en fera un succès et le rendra culte. Mais les critiques sont aussi unanimes, de mĂŞme que les professionnels qui le nommeront 4 fois aux oscars et surtout lui dĂ©cerneront la Palme d’Or au festival de Cannes de 1976. Les carrières de Martin Scorsese et Robert De Niro sont maintenant prĂŞtes Ă  dĂ©coller.

Le film vient par ailleurs de sortir dans un bluray indispensable. La qualitĂ© de la restauration est impeccable et les bonus nombreux et passionnants (commentaires audio, making-of d’une heures, interviews, histoires autour des taxis et de new-york, …).

publié dans :Cinéma Culte du dimanche

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