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Culte du dimanche : Shining

posté le 20/03/2011

shining culte

Alors que la Cinemathèque va ouvrir cette semaine ses portes Ă  l’exposition Kubrick, il Ă©tait impensable de ne pas lui rendre hommage Ă  travers le monument de frissons Shining qu’il considĂ©rait comme l’un de ses films les plus personnel.

shining afficheAprès l’Ă©chec commercial de Barry Lyndon, il Ă©tait prĂ©fĂ©rable pour Stanley Kubrick de rĂ©aliser un film plus grand public pour rassurer la Warner. Après plusieurs lectures, son choix va se porter sur l’un des romans du maĂ®tre de l’horreur, Shining de Stephen King. Mais, au grand dam de son auteur, le rĂ©alisateur va revoir en profondeur le roman pour le faire sien et le rendre bien plus psychologique. Jack Torrance se voit ainsi remettre les clĂ©s de l’hĂ´tel Overlook pour en assurer la garde Ă  l’approche de l’hiver. L’occasion de se mettre Ă  travailler sur un roman et de se rapprocher de sa petite famille. Mais l’hĂ´tel isolĂ© et rempli de mystères va peu Ă  peu le faire sombrer dans la folie.

Avec Stanley Kubrick, un rĂ©cit simple peut très rapidement relever d’innombrables questions et interprĂ©tations. C’est encore le cas ici oĂą l’histoire est faite de plusieurs niveaux de lecture. shining jack et dannyIl y a ainsi l’intrigue de base d’un père qui devient fou Ă  cause d’un hĂ´tel hantĂ© et va commencer Ă  vouloir assassiner femme et enfant. Mais c’est aussi l’histoire d’un couple qui se dĂ©chire Ă  cause du travail et des problèmes d’alcool du père et oĂą l’enfant cherche Ă  trouver sa place. Alors l’hĂ´tel n’y est pour rien et sert seulement de cadre fantastique (permettant de faire passer la noirceur de l’histoire plus facilement) car tout aurait pu se dĂ©rouler dans un appartement Ă  Manhattan que l’histoire en aurait Ă©tĂ© aussi prenante.

A cette histoire dĂ©jĂ  remplie de frissons, Kubrick ajoute des Ă©lĂ©ments permettant d’approfondir la folie de son personnage principal et de rejoindre ses thèmes favoris. Ainsi le labyrinthe (qui n’Ă©tait pas dans le roman) met en relief les dĂ©dales dans lesquels s’est perdu l’esprit de Jack Torrance, en particulier lors d’une transition bluffante entre la maquette et la rĂ©alitĂ©. shining_bathroomCette idĂ©e du labyrinthe se retrouve dans tout le film avec les couloirs vides de l’hĂ´tel que parcoure le jeune Danny en tricycle jusqu’aux motifs de la moquette. L’autre thème se rapprochant de la folie Ă©voquĂ© en permanence pendant tout le film est celui de la dualitĂ©, celle du bien et du mal qui tentent de prendre possession d’un esprit ou de deux aspects de la personnalitĂ© se battant. Ce n’est pas un hasard si les apparitions sont des jumelles, si Danny parle avec un ami imaginaire, si les miroirs on une prĂ©sence prĂ©pondĂ©rante dans le rĂ©cit (d’ailleurs, dans sa discussion avec le serveur dans les toilettes, Jack regarde-t-il cette vision ou se regarde-t-il dans le miroir ? exemple parfait de la maitrise de Kubrick sur l’ambiguĂŻtĂ© de la situation). Cette dualitĂ© est aussi Ă©voquĂ©e graphiquement pendant tout le rĂ©cit, du gĂ©nĂ©rique d’ouverture Ă  l’emploi rĂ©gulier de plans Ă  la symĂ©trie parfaite et dĂ©rangeante.

Shining_jumellesAvec ces Ă©lĂ©ments psychologiques prĂ©pondĂ©rants, le rĂ©alisateur n’en oublie pas pour autant l’horreur et n’hĂ©site pas Ă  mettre le spectateur mal Ă  l’aise. La vision des jumelles dans le couloir avec des images presque subliminales de leurs corps ensanglantĂ©s fait froid dans le dos, tout comme la rencontre avec l’occupante de la chambre 237. Et la cascade de sang ne fait qu’ajouter Ă  la terreur qui menace Wendy et Danny jusqu’Ă  la poursuite glaciale dans le labyrinthe. Et l‘image finale de cette photographie du passĂ© nous laissera alors dans le doute sur les Ă©vĂ©nements qui viennent de se dĂ©rouler, sur leur vĂ©racitĂ© et leur actualitĂ© (sommes-nous alors dans un labyrinthe temporel oĂą des âmes ne font que rejouer le thĂ©atre de leur folie ?).

Shining Jack NicholsonStanley Kubrick nous offre donc un monument de terreur dont la performance de Jack Nicholson est l’une des composantes essentielles. Car si le rĂ©alisateur Ă©tait sans arrĂŞt sur le dos de Shelley Duvall (la faisant ainsi entrer encore plus en profondeur dans son rĂ´le de femme apeurĂ©e), il laisse par contre Ă  son acteur assez de latitude pour livrer une performance hallucinante. Jack Nicholson n’est pas lĂ  pour rassurer. Il est complètement imprĂ©visible et la folie dĂ©bridĂ©e qui l’habite est une menace permanente qui ne fait que s’amplifier jusqu’au final. Après son rĂ´le dans Vol au dessus d’un Nid de Coucous et le futur Joker du Batman de Tim Burton, pas Ă©tonnant qu’on le classe dans les rĂ´les de psychotiques !

shining couloirsAu delĂ  d’un rĂ©cit parfaitement maitrisĂ© qui fait froid dans le dos, il faut Ă©galement rappeler que Stanley Kubrick apporte Ă©galement Ă  chaque fois une Ă©volution technologique pour le servir. Ici c’est la steady-cam qu’il emploie jusque dans ses derniers retranchements pour nous faire parcourir l’hĂ´tel Ă  la hauteur de Danny et coller au plus près des personnages dans la poursuite du labyrinthe, ne laissant pas au spectateur le loisir de relâcher la pression. Et ce n’est qu’un des aspects que Kubrick Ă  soignĂ© car il ne faut pas non plus oublier cette perfection du cadrage, la particularitĂ© des dĂ©cors ou encore la musique employĂ©e pour illustrer la folie de Shining.

Face Ă  une telle maitrise et une telle perfection du rĂ©cit d’horreur tout en restant très personnel, Stephen King se sentira trahi, la critique sera divisĂ©e mais le public conquis (c’est l’un des films les plus rentables de Kubrick). Mais surtout, il devient très vite un classique du genre Ă  ranger aux cĂ´tĂ©s de l’Exorciste. L’un des films les plus effrayants du cinĂ©ma, qui marque Ă  chaque vision et dans lequel nous trouvons toujours de nouvelles interprĂ©tations mais aussi souvent citĂ© et parodiĂ© (Les Simpsons y ont d’ailleurs rendu leur meilleur hommage). Bref, tout ce qui en fait un film intemporel et culte.

publié dans :Cinéma Culte du dimanche

  1. 20/03/2011 Ă  12:24 | #1

    Un,si ce n’est LE film d’horreur que je pourrait voir et revoir sans jamais me lasser. Un bijou de M. Kubrick, mais aussi et surtout de l’interprĂ©tation dingue de Jack Nicholson ! Très bonne critique 🙂

  2. 20/03/2011 Ă  14:35 | #2

    A propos de Stephen King, je souhaite quand meme nuancĂ© : certes il avoue que c’est une très mauvaise adaptation de son oeuvre, mais il dĂ©clare aussi qu’il s’agit d’un excellent film d’horreur.

    Sinon, il s’agit d’un très bon article. Je suis impatient d’aller voir l’exposition de la Cinematheque.